Les dix de la police

Travailler à la police, ce n'est pas toujours de tout repos. Mais en quoi consiste vraiment un job à la police ? Et surtout : qui sont réellement les policiers et que font-ils concrètement ? MARK Magazine s'est entretenu avec dix membres de différents services de police. Maréchal-ferrant, pilote, islamologue, expert en ICT… Tous ont un point commun : se mettre au service du citoyen.

Les dix de la police

Hannelore

Islamologue à la Police Fédérale

« J'ai décroché un master en arabistique et islamologie et je travaille à la police depuis onze ans environ. Ma fonction a évolué ces dernières années. Par rapport aux attentats de Paris et de Bruxelles, on peut effectivement parler d'un avant et d'un après. À l'heure actuelle, je travaille au service central 'terrorisme' de la police judiciaire fédérale et je mets mon expertise au service d'une multitude d'entités. Je peux par exemple participer à la recherche de matériel spécifique lors de perquisitions ou donner des formations sur l'islam ou la communication interculturelle. Mon service collabore en outre régulièrement avec d'autres services de police européens ou internationaux, comme Interpol.

Je trouve ma fonction très intéressante. Je suis également libre de prendre des initiatives. Il règne en outre une grande confiance ainsi qu'une solidarité et une collégialité énormes au sein du service. »

Ellen

Formatrice canine à la Police Fédérale

« Je travaille au service d'appui canin depuis 2003, où je suis responsable de la formation des chiens détecteurs d'explosifs et de leurs maîtres. Je forme les chiens à reconnaître certaines odeurs et leur apprend à réagir comme il se doit. Je m'efforce également d'améliorer la confiance et la collaboration entre le maître et son chien. Je collabore en outre intensivement avec des partenaires externes comme l'armée, le service de déminage SEDEE, l'École royale militaire et un groupe de travail de l'UE.

Je suis biologiste de formation, avec une spécialisation en éthologie (la science qui étudie le comportement des animaux). Au début de ma carrière, j'ai étudié les bonobos au Congo et exercé des rats à détecter des mines antipersonnel, notamment en Tanzanie, au Mozambique et en Angola. Ma fonction actuelle me plaît également beaucoup. C'est vraiment incroyable tout ce que les animaux ont à nous apprendre ! Je suis à présent surtout connue comme psychologue canine, mais ce qui me passionne avant tout, c'est d'engranger des résultats. »

David

Expert en ICT à la Federal Computer Crime Unit (FCCU)

« Au cours des cinq dernières années, j'ai transité par bon nombre de services à la police. J'ai commencé en 2012 dans le cadre du projet Police, une organisation apprenante. J'étais chargé de l'aspect IT de la modernisation de la formation policière. Je suis ensuite passé par le service de la sélection et du recrutement, où j'étais responsable de la gestion du site jobpol.be et des médias sociaux. L'envie de devenir inspecteur principal a alors commencé à me titiller. J'ai suivi la formation et obtenu mon brevet, avec une spécialisation me permettant de mettre mes connaissances en ICT au service de la police.

Je travaille à la FCCU depuis l'an dernier, au sein du team Intelligence. Nous sommes à l'affût des dernières tendances et des menaces qui pèsent sur le web et les médias sociaux. Le dark web en est un bon exemple, tout comme le hacking et les logiciels de type ransomware, qui représentent actuellement une menace grave et ont un impact considérable sur les particuliers et les organisations. Avec la propagation du virus WannaCry (ransomware qui a infecté quelque 230 000 ordinateurs à travers le monde en mai 2017, n.d.l.r.), tout le monde était sur le pont. Nous sommes entrés en contact avec une kyrielle de services et de partenaires externes. Dans le cas d'une cyberattaque de ce type, vous savez qu'il ne faudra pas compter vos heures supplémentaires ! Mais je fais mon job avec grand plaisir, a fortiori si je peux contribuer - même à mon modeste niveau - à éradiquer la cybercriminalité dans le monde (rires) ! »

Mariska

Chef de corps de la zone de police Berlare/Zele

« J'ai entamé ma carrière à la police juste après la réforme de 2001. J'ai suivi la formation d'officier puis rejoint le service 'bien-être et prévention', à Bruxelles. J'y suis restée environ un an et demi. Je devais parfois y traiter des dossiers pour la police de la navigation, ce qui m'a permis d'apprendre la différence entre bâbord et tribord ! J'ai alors suivi une formation pour devenir yachtman, ce qui m'a permis d'être engagée ensuite à la police de la navigation. Après quelques années, j'ai eu besoin de relever un nouveau défi et décidé de suivre la formation de promotion pour devenir commissaire divisionnaire. Cette formation a duré deux ans, en combinaison avec ma fonction d'alors. Du costaud, mais c'était très intéressant. À l'heure actuelle, je suis chef de corps de la zone de police Berlare/Zele. Cette fonction me permet essentiellement de m'occuper de l'humain. Non seulement des ressources humaines, mais aussi de préparer le personnel aux évolutions qui se profilent et de définir une vision à laquelle chacun pourra adhérer.

Ce qui est particulièrement attrayant à la police, c'est sa grande diversité. Regardez mon parcours. J'ai suivi mes centres d'intérêt et mes ambitions. Il y a des défis à relever pour tous, quelles que soient les capacités de chacun. Il faut seulement avoir le cran de prendre des initiatives. »

Stefan

Inspecteur principal - Appui spécialisé en maintien de l'ordre

« Je suis entré à l'école de police en 1989. Un an plus tard, j'ai rejoint le service d'intervention à Anvers puis, à partir de 1997, à Borgerhout. J'ai ensuite également participé à des missions de maintien de l'ordre lors de manifestations, matchs de football importants et grands événements. En 2004, j'ai suivi la formation d'inspecteur principal et j'ai été engagé à la Police Fédérale à Etterbeek. J'ai escorté des transports de fonds durant neuf ans. Au cours de cette période, j'ai également eu l'opportunité de suivre une formation continuée dans les domaines du maintien de l'ordre et des équipes de preuves et d'arrestation. Aujourd'hui, je prends part à des services d'ordre dans tout le pays, avec l'appui de nos arroseuses que nous déployons en cas de risques accrus. Je dirige alors une équipe de quatre hommes dans l'arroseuse.

Notre appui spécialisé ne se limite pas aux arroseuses ; nous disposons par exemple également d'équipes de preuves, d'équipes d'arrestation et d'équipes lock-on. Pendant que l'équipe de preuves enregistre les incidents, l'équipe d'arrestation s'apprête à intervenir, le cas échéant. Le mois dernier, j'ai suivi la formation lock-on, pour gérer notamment des personnes qui s'enchaînent à des barrières. Certains activistes deviennent de plus en plus inventifs, mais, dans ce cas précis, il convient de les désentraver en toute sécurité. Quoi qu'il en soit, chaque jour apporte son lot de nouveautés, et c'est ce que j'aime. »

Hassan

Inspecteur principal, enquêteur à la zone de police de Gand

« Chaque corps de police doit assurer sept fonctionnalités de base. L'une de ces fonctionnalités est la recherche. En tant qu'inspecteur principal, je dirige au quotidien une équipe de recherche dont la tâche première est de résoudre des délits patrimoniaux, de violence et liés à la drogue. Je suis par ailleurs officier de police judiciaire. Cela implique notamment que j'effectue des perquisitions avec mandat délivré par le juge d'instruction et que je procède le cas échéant à des arrestations. Mon travail est plutôt passionnant. Il arrive que je sois appelé de nuit afin d'évaluer une situation sur les lieux d'un délit grave. Parfois, il faut procéder immédiatement à certains actes d'enquête, en concertation avec le magistrat du parquet.

Lorsque vous travaillez à la police, rien ne vous empêche d'opter pour une carrière linéaire. Mais je suis quelqu'un d'ambitieux, et les opportunités ne manquent pas. Bien sûr, chaque promotion s'accompagne d'une longue procédure. Cela signifie qu'il faut étudier beaucoup et investir pas mal de temps avant de pouvoir évoluer. Celui qui travaille dur et développe ses compétences finit par obtenir le job de ses rêves. »

Sarah

Inspecteur à la police de la navigation à Zeebruges

« Auparavant, j'étais employée dans une compagnie d'assurances. Pas exactement le job de mes rêves. J'ai toujours voulu travailler à la police, mais selon les règles en vigueur avant la réforme, je n'avais pas la taille requise. Heureusement, les normes ont changé. Je suis entré à l'école de police en 2008. En l'espace d'une journée passée à la police de la navigation, un déclic s'est produit en moi. Je voulais et devais travailler là-bas. Et c'est ce qui s'est finalement passé.

À la police de la navigation de Zeebruges, je suis en charge du traitement administratif et judiciaire des migrants que nous interceptons. Il s'agit de personnes sans papiers en route pour le Royaume-Uni. Elles tentent de rejoindre ce pays en se dissimulant dans des containers ou des poids lourds. Chaque année, nous traitons quelque 3 000 dossiers. Je m'occupe des premiers entretiens, à savoir le traitement des dossiers au bureau. Cela va de la prise d'empreintes digitales et de photographies à des auditions, en passant par la lecture des gsm. Nous entretenons en outre de nombreux contacts avec l'Office des étrangers qui assure le suivi de nos dossiers.

J'apprécie beaucoup mon travail mais j'aimerais franchir quelques étapes afin de travailler davantage à l'échelon européen. En tout cas, quand mon enfant aura un peu grandi. »

Cédric

Maréchal-ferrant à la Police Fédérale

« De par ma fonction, je suis responsable de l'entretien des écuries et du ferrage des chevaux de la Police fédérale. Je fais également un peu de ferronnerie, étant donné que je fabrique moi-même les fers. Le but est que ces derniers soient les plus confortables possible pour les chevaux. Il m'arrive dès lors de réaliser des fers spéciaux munis de petits crampons lorsque les chevaux sont amenés à travailler sur des sols meubles.

Mon travail est assez physique et comporte certains risques. Au fil des années, j'ai subi quelques blessures. Mais c'est avant tout une passion. J'ai passé toute ma via à m'occuper des chevaux. Ce sont des animaux nobles et ce travail me plaît vraiment beaucoup. À la fin de la journée, je suis aussi fatigué que si j'avais couru un semi-marathon. Mais bon, cela me permet de très bien dormir (rires). Les chevaux de la police sont habitués à travailler avec l'homme, ils sont donc d'assez agréable compagnie. Quoi qu'il en soit, c'est le job de mes rêves. »

Nathan

Pilote à la Police Fédérale

« Après avoir suivi une formation de quatre ans, je suis devenu pilote d'hélicoptère à la Police Fédérale il y a deux mois. Pour ce faire, j'ai commencé par la formation de base, comme tous les inspecteurs. Ma passion pour le vol s'est déclarée lorsque j'ai découvert les hélicoptères. Cela dit, je rêvais déjà de faire ce métier lorsque j'étais enfant.

Nous sommes basés à Melsbroek, la plupart du temps en stand-by. Les missions pour lesquelles nous sommes appelés concernent souvent des poursuites, la détection d'auteurs en fuite ou la prise de photographies des lieux d'un délit. Nous effectuons également des vols planifiés, par exemple lors de festivals et de matchs de football. De là-haut, nous pouvons veiller au grain et évaluer la situation. Nous sommes parfois rappelables ; il faut alors être prêt à décoller le plus vite possible. Cela rend les choses quelque peu imprévisibles.

Dans l'hélico, je suis accompagné par un tactical flight officer. C'est lui qui prend les photos et observe ce qui se passe au sol. Mon job de pilote est vraiment génial. Je suis presque toujours dans les airs ; c'est ce que j'aime. Je voudrais pouvoir faire ça toute ma vie. »

Dirk

Enquêteur spécialisé en traite des êtres humains et abus d'enfants

« Je travaille au sein de la police judiciaire de Bruxelles, section exploitation sexuelle de personnes mineures (pédophilie). Nous menons des enquêtes concernant des faits dont les auteurs ne sont a priori pas connus. Normalement, nous traitons également les dossiers supralocaux, ce qui signifie qu'une même affaire peut avoir des ramifications dans plusieurs arrondissements, voire même à l'échelon international. Mon rôle est d'avoir une vue d'ensemble sur tous les actes d'enquête, de prendre part aux enquêtes et d'en rendre compte au magistrat. En tant qu'enquêteurs, nous essayons d'éviter de procéder à des auditions d'enfants, afin de ne pas courir le risque de perdre notre impartialité. Nous entendons parfois des choses effroyables, mais j'ai bien conscience que nous pouvons jouer un rôle important pour protéger les enfants. En parallèle, je collabore à des dossiers de traite d'êtres humains et de prostitution.

Indépendamment de mon rôle d'enquêteur, je suis régulièrement amené à auditionner des enfants victimes ou témoins de délits. J'ai suivi une formation à cette fin en 2004. La méthodologie d'une audition d'enfants est quelque peu différente : il faut mettre l'enfant à l'aise ; sa spontanéité est primordiale. Je trouve la variété de mon travail intéressante, tout comme les sujets traités. Durant ma carrière à la police, j'ai déjà touché à beaucoup de choses. Mais ce job me colle vraiment à la peau. »

Texte: Sam De Cock

Cet article est paru initialement dans Mark Magazine 31

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