Interpol : 100 ans de coopération policière internationale

Ce 7 septembre 2023 est doublement symbolique. Labellisé Journée internationale de la coopération policière par les Nations Unies afin de souligner le rôle central que joue la communauté des services répressifs dans la sécurité à travers le monde, il marque aussi le 100e anniversaire d'Interpol ! 

 

Interpol : 100 ans de coopération policière internationale

Nous nous sommes attardés sur ce centième anniversaire en compagnie du premier commissaire divisionnaire Peter De Buysscher, vice-président du comité exécutif d'Interpol, du commissaire Peter Boven, l'un de nos contacts belges au sein d’Interpol à Lyon, et de la commissaire Sofie Mortier, cheffe de service du Single Point of Operational Contact qui abrite également le Bureau central national d'Interpol en Belgique.

Nous sommes le 7 septembre 1923. Lors d'un congrès de police à Vienne, des représentants de vingt pays fondent l’International Criminal Police Commission, plus connue par la suite sous le nom d'Interpol.

Dans le contexte de l'après-guerre, Interpol devait apporter une réponse à la “transnationalisation” croissante de la criminalité. Comprenez : fournir un appui aux services de police chargés de traquer et d’interpeller les criminels qui se cachent au-delà des frontières internationales.

Un siècle plus tard, la raison d'être d'Interpol est plus que jamais d'actualité. Le premier commissaire divisionnaire Peter De Buysscher, directeur de la coopération policière internationale (CGI), nous explique pourquoi : “En 100 ans, la société et la criminalité ont énormément évolué. La criminalité ne connaît plus de frontières, qu'il s'agisse de trafic illicite, de terrorisme ou de cybercriminalité. La mondialisation et la digitalisation ont encore accru l'importance de la coopération policière internationale. Interpol s'adapte et évolue également. Interpol mobilise, coordonne et soutient la coopération policière internationale”.

Interpol 100 ans
Interpol 100 ans

Banques de données, notices et diffusions

Faciliter l'échange d'informations est le fil conducteur de l'histoire d'Interpol. Sa mission principale consiste à mettre en relation des services de police du monde entier. Les signalements internationaux ou “notices and diffusions” constituent la marque de fabrique d'Interpol. Une notice ou une diffusion a un code couleur. La plus courante, et en même temps la plus connue, est la red notice, le signalement international pour l'arrestation d'un suspect ou d'un fugitif. Un autre exemple est celui des black notices, qui concernent des personnes à identifier, comme lors de la campagne Identify Me.

“Les notices et les diffusions font partie du cœur de métier d'Interpol”, poursuit Peter De Buysscher. “Combinées au réseau de communication i24/7, elles constituent une valeur ajoutée importante pour les services de police, peut-être même la plus importante."

Interpol gère 19 banques de données, accessibles dans le monde entier via i24/7, et font ainsi de l'agence un véritable carrefour d'informations. Les policiers aux postes frontières, par exemple, peuvent consulter la banque de données des personnes recherchées ou celle des documents d'identité volés ou falsifiés. Interpol dispose également de banques de données forensiques contenant des empreintes digitales et des traces d’ADN, des banques de données de véhicules et d'œuvres d'art volés, de la banque de données ICSE permettant des recherches dans le contexte d’abus sexuels sur des enfants, et de la banque de données iARMS destinée à la recherche d’armes volées.

Seize millions de recherches ont été effectuées CHAQUE JOUR dans les banques de données d'Interpol dans le monde entier l'année dernière. 

Ces recherches ont donné lieu à 1,4 million de hits ! 

Interpol 100 ans
Interpol 100 ans
Interpol 100 ans

SPOC : le centre névralgique du flux international de données

Le Single Point of Operational Contact de la Direction de la coopération policière internationale (SPOC/CGI) est le centre névralgique de l'échange international d'informations en Belgique. “Nous diffusons des signalements via la canal Interpol à la demande d'un magistrat ou d'un service de police”, explique la commissaire Sofie Mortier, cheffe de service du SPOC. “Nous traitons tous les dossiers  avec le même soin, sachant que chaque résultat de recherche peut constituer le chaînon manquant  dans une enquête et permettre de traduire un suspect en justice”.

Tous canaux d'information confondus (Interpol, Système d'Information Schengen, Europol...), le SPOC a traité pas moins de 500 000 messages internationaux en 2022, dont 2 178 signalements Interpol belges. Ces signalements Interpol ont donné lieu à pas moins de 1 372 hits !

“Ces chiffres en disent long : nous constatons que le volume des échanges internationaux d'informations s’accroît d’année en année. La valeur ajoutée qu'Interpol peut apporter augmente proportionnellement”, conclut Peter De Buysscher.

SPOC/CGI

Le Single Point of Operational Contact de la Direction de la coopération policière internationale (SPOC/CGI).

Connexions belges à Lyon

En octobre 2022, Peter De Buysscher a été élu vice-président pour l'Europe au sein du comité exécutif d'Interpol et peut ainsi contribuer à définir les directives stratégiques. “L'une de mes principales priorités est d'accroître les possibilités de coopération policière internationale. Je pense notamment à une meilleure structuration de l'échange d'informations dans les dossiers d'enquête. Peut-être qu'un enquêteur croate est en possession de la pièce manquante permettant de compléter le puzzle d'un enquêteur belge. Dans des affaires en cours à dimension internationale (auteurs originaires de pays A et B, faits commis dans les pays X, Y et Z), nous devons encore faciliter l'enrichissement mutuel”.

Structurer plus efficacement l'échange international d'informations dans les dossiers d'enquête, telle est la mission du commissaire Peter Boven au sein d’Interpol, qui y est détaché depuis 2019. Loin des feux de la rampe, il contribue à la mise en place du projet Smart Case Messaging. Il peut s'appuyer sur une longue expérience à Europol où il a participé à la création de l'outil de messagerie SIENA. 

“Des policiers du monde entier s’échangent chaque jour des milliers de messages par l'intermédiaire d'Interpol”, explique Peter Boven. “Actuellement, cela se fait encore par e-mail, mais cela n’est ni pratique ni structuré. Une application moderne pour l’échange international de messages devrait apporter plus d'efficacité et de structure, et simplifier le travail des enquêteurs dans les 195 pays d'Interpol”.

Quel regard Peter Boven porte-t-il sur les 100 ans d'Interpol ? “Les domaines d'activité d'Interpol sont divers et nombreux, certains plus médiatisés que d'autres, mais la genèse et la vision de base sont restées inchangées : connecting police for a safer world. D'une certaine manière, nous en sommes à nouveau au début, car dans mon domaine – l'informatique et l’échange de messages – cette vision prend tout son sens avec le nouvel outil que nous sommes en train de développer”.

“Interpol n'existe pas pour elle-même, mais pour les milliers de policiers de tous les pays qui veulent et doivent partager des informations. Aujourd'hui, la coopération internationale et l'échange d'informations dans le domaine policier sont considérés comme une évidence. Mais on ne peut pas dire à tous les pays : “Débrouillez-vous”. La coordination et les ressources communes sont indispensables. C'est précisément ce qu'offre Interpol et c'est aussi ce qui me motive ”, conclut Peter Boven dans l'ombre du siège d'Interpol à Lyon.

Peter De Buysscher

Le premier commissaire divisionnaire Peter De Buysscher, directeur de la coopération policière internationale (CGI).

Peter Boven

Le commissaire Peter Boven, officier de contact pour la Police Intégrée à Interpol.

Saviez-vous que... ?

  • Avec ses 195 États membres, Interpol est la plus grande organisation internationale au monde. L'organisation des Nations unies compte 193 membres.
  • L'abréviation Interpol trouve son origine dans l'adresse télex attribuée à l'organisation à la fin des années quarante.
  • Le logo d’Interpol (depuis 1950) est représenté par un globe terrestre faisant référence aux activités mondiales, des branches d'olivier symbolisant la paix, une balance symbolisant la justice et une épée verticale faisant référence à l'action de la police.
  • Le premier commissaire divisionnaire Peter De Buysscher n'est pas le premier policier belge à exercer une fonction stratégique de premier plan au sein d'Interpol. Après la Seconde Guerre mondiale, Florent-Édouard Louwage a joué un rôle clé dans la réactivation d'Interpol. En 1938, les nazis ont utilisé Interpol à leur compte et cette prise de pouvoir a poussé la plupart des pays à quitter l'agence. Le premier congrès d'après-guerre s'est tenu au Palais de Justice de Bruxelles. En tant que président, Louwage a marqué Interpol de son empreinte de 1945 à 1956.
  • En 1956, l’International Criminal Police Commission a été rebaptisée Organisation internationale de police criminelle (OIPC), qui est toujours la dénomination officielle d'Interpol aujourd'hui. Les missions d'Interpol ont été définies dans une sorte de “constitution”.
  • En 1935, Interpol a lancé le premier réseau radio international.
  • En 2002, Interpol a créé un système mondial de communication numérique, appelé i24/7, qui permet aux 195 États membres d'échanger des informations à tout moment.
  • Interpol gère 19 banques de données (personnes suspectes, documents d'identité volés, banques de données de phénomènes tels que la pédopornographie...) avec un total de 125 millions d’enregistrements dans lesquels des policiers du monde entier effectuent environ 16 millions de recherches par jour.
  • Interpol a deux sièges, un à Lyon et un autre à Singapour. À Singapour, Interpol se concentre sur l'innovation (reconnaissance faciale, ADN, etc.).
  • Interpol compte quatre langues officielles : l’anglais, le français, l’espagnol et l’arabe.
  • Interpol dispose d'un Bureau central national dans chacun de ses 195 États membres. En Belgique, il fait partie du Single Point of Operational Contact (SPOC) de la Direction de la coopération policière internationale (CGI) de la Police Fédérale.
  • On croit souvent à tort qu'Interpol est une entité policière à proprement parler. En fait, il n'existe pas de “police Interpol". Les collaborateurs de l'agence, qu'il s'agisse de contractuels ou de policiers détachés, agissent en tant que personnes de contact au profit de services de police nationaux. Ils n'enquêtent pas sur des crimes, ne procèdent pas à des arrestations ni à des interventions, mais fournissent un appui opérationnel en termes d’informations aux États membres.
Interpol 100 ans
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