DSU : un travail de l'ombre

En juin, nous nous sommes entretenus (parfois anonymement) avec cinq membres de la Direction des unités spéciales (DSU). Leurs missions sont diverses, mais elles ont un point commun : elles constituent l’ultime recours à une affaire. D’où le slogan de la DSU : Ultima Ratio.

#Fier - DSU

Rassembler des éléments de preuve

L’inspecteur « K » travaille à DSU depuis 2019. Auparavant, il travaillait à la zone de police Bruxelles CAPITALE Ixelles, où il a d’abord été membre du service d’intervention, avant de rejoindre la recherche locale. L’inspecteur « K » fait partie de la National Technical Support Unit (NTSU), l’unité technique de la DSU qui fournit à l’ensemble de la Police Intégrée un appui – hautement spécialisé – dans les dossiers de grande ampleur. Les membres du personnel de la NTSU recueillent des informations : ils placent des caméras, réalisent des enregistrements audio et imaginent une multitude de solutions créatives pour relever tous les défis qu’on leur assigne. 

« En tant que membre de CODEX (covered operations in digital environment) au sein de la NTSU, j’intercepte des données digitales de manière tactique, et non derrière mon bureau », explique K. « Chaque dossier nécessite beaucoup de préparation : après un briefing avec les enquêteurs, nous devons mettre en place un dispositif complet en toute discrétion, nous devons effectuer des tests... L’objectif est de collecter des preuves, par exemple pour des enquêteurs qui sont bloqués dans un dossier et pour qui les écoutes téléphoniques n’ont plus d’utilité. Cela peut se produire lorsque des suspects qui ont été arrêtés ou emprisonnés précédemment sont devenus très prudents, voire paranoïaques. Pour ces enquêteurs, nous sommes le dernier recours, d’où le slogan de DSU : Ultima Ratio. Nous travaillons en permanence sur plusieurs dossiers à la fois : blanchiment d’argent, terrorisme, meurtre... »

 

Fier ? C’est le moins qu’on puisse dire ! 

K est fier de travailler avec des collègues hautement qualifiés et professionnels qui ont tous dû passer des tests de sélection ardus. K : « C'est un rêve de faire partie de DSU, et c’est un sentiment partagé par tout le monde ici. Nous nous occupons en général de la grande criminalité. Lorsque vous lisez dans le journal qu’un terroriste a été arrêté et que vous savez que vous y avez contribué et qu'il n’a pas pu atteindre son but, vous êtes évidemment très fier ! L’impact de nos actions est important et nous contribuons directement à la sécurité de la société. Il faut souvent beaucoup de temps et d’efforts pour atteindre le résultat souhaité, mais quand on voit ce que cela donne... »

K a été marqué par un dossier en particulier : lorsqu’il a dû prendre contact personnellement avec un terroriste pour recueillir des informations. « Une telle mission n'est bien sûr jamais sans risque », explique K, « mais j’ai pu la mener à bien et j’ai lu ensuite des articles sur l’affaire dans la presse. Évidemment, le rôle joué par DSU n’y est jamais mentionné... Par ailleurs, on ne sait pas toujours à l’avance comment un dossier va évoluer, et il arrive qu’un ‘petit’ dossier s’avère en fait plus important que prévu. Je me souviens par exemple d’un dossier de blanchiment de la Police Locale d’Anvers : l’affaire était modeste lorsque nous l’avons prise en main, puis elle est devenue tentaculaire. En Italie, notamment, des membres de la mafia ont été arrêtés parce qu’ils ont fini par commettre un faux pas et se sont trahis. »

Le chef de K 

Membre de DSU depuis l’année dernière, le commissaire « Polo » est le chef de service adjoint de la NTSU. Précédemment, il travaillait dans les zones de police de Bruxelles CAPITALE Ixelles et de Geraardsbergen/Lierde, ainsi qu’à DJSOC, la Direction de la lutte contre la criminalité grave et organisée de la Police Fédérale. « Lorsque vous êtes officier, on attend de vous que vous connaissiez toutes les sections et toutes les techniques et que vous sachiez tout ce qui se passe au sein de la NTSU », explique-t-il. « Vous effectuez des permanences, vous dirigez un poste de commandement sur le terrain, vous travaillez comme technicien s’il le faut. Chaque officier est responsable d’une section particulière ; dans mon cas, c’est le CODEX (voir ci-dessus). Je gère en outre quelques ‘portefeuilles’, comme la maîtrise de la violence, ainsi que l’intégration et la coopération entre les différentes RTSU (unités d’appui technique régionales). »

 

Une inventivité sans borne 

Cela va sans dire, Polo est, lui aussi, incroyablement fier de ce qu’il fait : « C'est un cliché, mais nous commençons notre journée sans savoir comment et quand elle se terminera. Nos missions sont très variées, mais il s’agit toujours de dossiers importants, d’une certaine envergure, pour lesquels nous apportons une réelle valeur ajoutée. Si nous y avons consacré beaucoup de temps et d’efforts et qu’une avancée majeure est réalisée grâce à notre engagement et à nos ressources, cela procure une grande satisfaction et c’est sans aucun doute une immense source de fierté ! C’est encore plus le cas si plusieurs unités de DSU ont travaillé de concert au sein d’un important dispositif... 

Les contacts entre nous sont très bons, que ce soit au sein même de DSU ou avec les autres collègues de la Police Fédérale et de la Police Locale. C’est d’ailleurs essentiel, car le monde de la technologie change rapidement et beaucoup d’évolutions nous attendent : la 5G, la 6G... Un processus de réflexion constant est nécessaire avec toutes les sections et unités de DSU, afin non seulement de rester à la pointe, mais aussi d’avoir à chaque fois une longueur d’avance. Lorsqu’il s’agit de rechercher des solutions, l’inventivité de notre section R&D (‘recherche & développement’), mais aussi de presque tout le monde ici, ne connaît pas de limites. Rien n’est impossible. Ou presque ».

Au cœur de l’action, dans la discrétion

Pour des raisons de sécurité, vous ne connaitrez que son surnom. « Moustique » est chef de l’équipe observation au sein de la DSU. Arrivé en 1999 à la gendarmerie, il a d’abord fait partie de la réserve générale et travaillé notamment sur l’Euro 2000, avant d’encadrer les transports de fonds au ProBev (actuellement la Direction de la protection) jusqu’en 2005, puis de postuler à la DSU. Une direction qui lui faisait de l’œil depuis longtemps. « Lorsque j’étais adolescent, j’avais deux rêves : devenir champion de volley ou être sniper au sein des unités spéciales. Vu que je ne mesure pas deux mètres, le volley est resté un hobby (rires). Quant au poste de sniper, j’ai vite compris que mon caractère correspondait davantage à un travail policier de l’ombre… », nous raconte-t-il. Moustique se dirige donc vers l’observation. « Je suis devenu spécialiste en camouflage et en placement de moyens techniques. »

Traite des êtres humains, prostitution, trafic d’armes et de stupéfiants, terrorisme, fort Chabrol,… Les dossiers ne manquent pas à la DSU. Parmi les réalisations dont il se montre particulièrement fier et dans lesquelles il a été impliqué de très près, Moustique cite l’arrestation de Salah Abdeslam, celle des terroristes de Verviers, la récupération récente du vase Ming du XVIe siècle dérobé au musée de Mariemont ou encore le vaste dossier Sky ECC. « J’ai dû coordonner plus de 50 observations dans le cadre de Sky ECC, ce qui nous a permis de localiser plusieurs laboratoires de cocaïne. »

Un métier plein d’adrénaline

Devenu chef d’équipe en 2019, Moustique a vu ses fonctions évoluer mais garde toujours autant de fierté et de passion pour son métier. « Par mesure de discrétion, je travaille en autonomie de l’intérieur. Je dispatche les équipes et rédige des comptes-rendus. Le métier a grandement évolué grâce à l’appui du département ICT et les développements informatiques qui ont eu lieu ces dernières années. »

Dans le cadre de sa fonction de chef, Moustique veille également au bien-être de son unité, accompagne les nouveaux collègues et cherche à en recruter de nouveaux. « Nous en avons deux qui viennent d’intégrer le groupe et suivent une formation pratique d’une semaine. Certes, évoluer à la DSU impacte notre vie sociale et familiale mais les congés existent. Et surtout, le métier s’avère passionnant, plein d’adrénaline. Nous sommes cachés à des endroits où on ne nous attend pas, au cœur de l’action. Et c’est un travail d’équipe avant tout. De mon côté, il me tient à cœur de favoriser une ambiance positive. Je veux faire en sorte que les collègues viennent travailler avec le sourire ! », termine-t-il.

Jonathan

En mars de cette année, les Unités spéciales ont dû faire leurs adieux à l’un des leurs : Jonathan Savel. Par ailleurs, deux autres collègues ont été blessés lors de la même intervention. « Dans ces moments-là, on se dit que notre travail n’est pas sans danger », poursuit Polo. « Vous savez que vous partez le matin, mais vous n’êtes pas sûr de revenir. En tant qu’officier, lorsqu’un décès survient, vos épaules deviennent soudain très lourdes. On prend alors vraiment conscience qu’on peut vivre une telle chose de tout près, que tout n’est pas rose dans la vie et qu’il faut être préparé à tous les scénarios. Heureusement, toutes les procédures sont bien assimilées durant les neuf mois de la formation... »

Assaulter, breacher, tireur d’élite et bien plus encore 

Après un bref passage à la légion mobile de la gendarmerie, l’inspecteur Bart a rejoint DSU en 1991, où il est actuellement membre du groupe DIANE. Vu son âge, ses tâches consistent essentiellement à gérer et tester le matériel, ainsi qu’à former et entraîner les jeunes. « Au cours de ces 33 années, j'ai développé plusieurs spécialisations au sein de DSU », explique-t-il. « J’ai été assaulter (membre des unités d’intervention participant aux opérations, NDRL), breacher (personne qui force les portes, NDRL), tireur d’élite et Final Approach Officer (FAO). Cela signifie que j’assurais la communication entre les assaulters et les pilotes dans l’hélicoptère, lors de sauvetages à haute altitude, par exemple ». 

Durant toutes ces années, que ce soit pendant les opérations ou les entraînements, Bart a connu de nombreux cas, expériences et situations qui resteront à jamais gravés dans sa mémoire. « Il y en a trop pour les citer : les CCC, l’enlèvement d’Anthony De Clerck, des extorsions et des enlèvements, les attentats terroristes... De manière générale, ce sont les dossiers dont on n’a pas parlé dans les médias qui me marquent le plus. Ils ont tous contribué à faire de moi la personne que je suis aujourd’hui ».

 

« Restez humbles »

Bart est fier de son unité et devrait y rester jusqu’à la fin de sa carrière : « Tous mes collègues sont des professionnels dotés d’une grande expertise, qui travaillent toujours dans l’ombre. J’essaie de tirer le meilleur de chacun et d’être un exemple pour les jeunes générations. Cela me motive à continuer encore quelques années. À un moment donné, il faut pouvoir laisser la place aux jeunes. Lors de la remise des brevets, je dis toujours : Restez humbles. Essayez d'être la meilleure version de vous-même. Vous ne devez pas nécessairement être le meilleur d’entre tous. Ce n’est qu'à cette condition que vous vous intégrerez parfaitement dans cette unité ».

Fière de travailler à la digitalisation des processus

La Direction des unités spéciales de la Police Fédérale se compose en grande majorité de personnel opérationnel. On y retrouve en effet 81% de policières et policiers, contre 19% de membres du cadre administratif et logistique (CALog). Yasmina fait partie de cette deuxième catégorie, qui vient en soutien des opérationnels.

Entrée en 2006 à la DSU, elle fait profiter les collègues de ses connaissances acquises grâce à son bachelier en informatique. « J’ai d’abord effectué de l’analyse de données pour le département stratégique et ensuite, j’ai rejoint le service informatique. Actuellement, je travaille pour le département des ressources humaines et me charge notamment de tout ce qui touche à la digitalisation et la simplification des processus. Pour l’instant, certaines procédures restent encore assez lourdes et passent par un format papier. Il est donc indispensable de les informatiser. »

 

Soutenir et recruter

Yasmina a notamment aidé à la mise en place d’outils digitaux (aussi bien software que hardware) lorsqu’elle était au service informatique, et se montre très heureuse de son travail. « Je suis avant tout fière de travailler pour l’institution policière et particulièrement à la DSU. On fait appel à notre unité en dernier recours, il faut donc permettre à nos collègues opérationnels de réaliser leurs missions dans les meilleures conditions possibles. Au sein du service HRM, je suis entourée de sept collègues, toutes des femmes membres du personnel administratif. Nous nous entendons très bien », nous confie-t-elle.

Parmi les projets futurs qui l’occupent et liés à sa fonction de support HRM, Yasmina planche sur la visibilité des ouvertures de postes au sein de la Direction des unités spéciales. «Via notre intranet, nous souhaitons offrir un maximum d’informations concernant le recrutement et y décrire notamment le parcours complet pour intégrer les Unités spéciales suivant les différents profils recherchés. »