Faut-il sécuriser les écoles ?

Lorsque des événements tragiques surviennent dans des écoles, les débats sur leur sécurisation sont ravivés. D’aucuns souhaiteraient les équiper de portiques, de caméras et autres dispositifs. Mais est-ce bien opportun et efficace ?

© Kato Peeters

La nature des dangers

La littérature spécialisée distingue généralement les dangers venus de l’intérieur des établissements scolaires, les plus nombreux, de ceux provenant de l’extérieur. Dans les deux cas, élèves et enseignants peuvent être victimes et/ou auteurs des faits.

Statistiquement, si notamment des faits de harcèlement, d’agressions, de menaces sont fréquents, les événements pouvant être qualifiés de violences extrêmes (menaces par armes, blessures graves…) sont rares même si certaines situations particulières et certaines localités sont plus concernées.

Lorsque la nécessité de sécuriser les écoles est soulignée, c’est pourtant le risque de violences extrêmes qui est brandi et, plus particulièrement, celui provenant de l’extérieur des écoles : la radicalisation violente, les actions terroristes, etc.

Malgré le nombre très faible d’occurrences, on comprend à quelles difficultés les autorités sont confrontées. Ne rien faire en termes de prévention les mettra dans une situation délicate si un événement tragique survient. Agir suppose de supporter un coût important mais pour quel résultat ?



Les dispositifs en question 

Mais de quoi parle-t-on ? Les mesures le plus souvent évoquées sont les portiques de sécurité, les caméras, un service de sécurité et les « Safe room ». Voyons ceci plus précisément.

Les évaluations en provenance des Etats-Unis montrent que les portiques de sécurité ont une efficacité très limitée en ce sens qu’ils n’empêchent pas un individu décidé à pénétrer dans une école avec une arme pour passer à l’acte.

En outre, en détectant la présence de métaux, ils réagissent sans discriminer les objets que les élèves transportent souvent (ciseaux, compas, etc.) en entraînant de ce fait un contrôle plus approfondi. La rentrée dans les établissements d’enseignement prend alors beaucoup de temps, ce qui allonge les journées des élèves, encombre la voie publique aux moments forts des arrivées avec les risques que cela suppose (ex : sécurité routière) et parfois crée des tensions.

Pensons aussi que le dispositif doit être placé, entretenu et réparé, ce qui implique un coût notable.

Il est aussi question de coût important lorsque l’on envisage de placer des caméras. Sauf pour détecter des faits mineurs (ex : vol de vélos) et en fonction de leur nombre, leur plus-value n’est pas démontrée dans le but précité. D’abord, elles sont limitées par des stratégies de contournement (se masquer, passer dans un angle mort, se fondre dans un groupe, etc.). Ensuite, le visionnage en direct - le plus efficace - demande un personnel dont les établissements scolaires ne disposent pas. L’usage est généralement rétroactif et permet tout au plus de diminuer le nombre d’actes mineurs de vandalisme.

Par ailleurs, tant le placement de portiques que celui de caméras impliquent la mise à disposition d’un personnel formé, ce qui n’est a priori pas le rôle du personnel des écoles. Et faire appel à un service externe est inimaginable quand on connaît l’état des finances publiques.

En outre, recourir à un service de gardiennage ne sera pas sans effets pervers. La présence constante d’un personnel en uniforme, en interactions régulières avec les élèves, risque de créer une atmosphère « militarisée » et de donner l’impression d’une surveillance constante. Si pour d’aucuns, cette présence peut engendrer un sentiment de sécurité, il n’est pas exclu qu’elle génère de l’anxiété chez d’autres.

Quant à leur efficacité en cas d’agressions violentes, elle reste limitée. Si les agents peuvent procéder à une « arrestation » en cas de flagrant délit et faire appel à la police, ils ne peuvent être armés. Enfin, on peut se demander quelle image produira sur une école la présence constante d’un tel service. Précisons toutefois que ces commentaires doivent être modulés en fonction du contexte de l’école, de l’attitude des agents, etc. 

Quant à imaginer d’installer une « Safe room » dans une école, cela pose aussi de nombreuses questions. Il faut d’abord que l’infrastructure s’y prête. Cela dépend de plusieurs facteurs dont la configuration des lieux, l’espace disponible, de questions urbanistiques, etc. Ensuite, selon l’importance de l’établissement en termes de nombre d’étudiants et de bâtiments, plusieurs « Safe room » pourraient être nécessaires.  On peut imaginer à la fois les difficultés matérielles et l’importance des budgets que ces projets nécessiteraient.

Aux Etats-Unis, deux types de sacs à dos à destination des étudiants sont apparus. Le premier, transparent, a été imposé par des écoles qui souhaitaient faciliter le contrôle à l’entrée de l’établissement. Les détracteurs de l’initiative ont estimé que cette pratique violait la vie privée.

Le second type est un sac à dos pare-balle. Généralement, ce sont les parents qui en font l’acquisition et les imposent à leurs enfants pour se sentir eux-mêmes rassurés. Néanmoins, il ne fait pas de doute que ce dispositif ne résiste pas aux armes lourdes. En outre, difficile d’imaginer que les élèves vont porter ce sac toute la journée à l’école. Ce qui est commun aux deux types de sacs s’avère être leur relative inefficacité.

Si la prévention constitue une démarche privilégiée, comme les entraînements AMOK dans les écoles en Belgique, l’expérience américaine qui consiste à multiplier les exercices d’évacuation avec les élèves pose question. Certaines études ont montré l’effet pervers de leur multiplication sur le plan psychologique car ils induisent un sentiment de crainte permanent tendant à une forme de paranoïa chez certains.

Notons qu’il est aussi question d’un effet délétère sur le plan psychologique lorsque l’on additionne les dispositifs de surveillance, surtout les caméras. Selon divers auteurs, se sentir surveillé a pour effet de modifier le comportement. Par son concept de « spirale du silence », Elisabeth Noelle-Neumann apporte un éclairage intéressant à ce sujet. Lorsqu’une personne est victime de ce phénomène, elle aura tendance à se ranger aux avis majoritaires et, surtout, elle évitera toute forme de contradiction afin de pouvoir continuer à s'exprimer sans réticence. En effet, exprimer des opinions contraires aux avis dominants se fait aux risques d’être rejeté et isolé. La personne concernée sera alors de moins en moins encline à exprimer des opinions personnelles et elle risquera de perdre confiance en elle. 



Claude BOTTAMEDI

Chef de corps de la police locale er

Sources :

Ludovic Jeanne, « Sécurité des lieux scolaires : la fausse bonne solution des portiques », The Conversation, sur :

https://theconversation.com/securite-des-lieux-scolaires-la-fausse-bonne-solution-des-portiques-75279

Tanguy Le Goff, Céline Loudier-Malgouyres, Christophe Lavocat, La vidéosurveillance dans les lycées en Île-de-France, Rapport Institut d'aménagement et d'urbanisme de la région Ile de France, 2007, sur : https://www.institutparisregion.fr/nos-travaux/publications/la-videosurveillance-dans-les-lycees-en-ile-de-france-1/

®https://www.secunews.be/fr/

Étiquettes