Habitat insalubre ou dangereux : peut-on intervenir ?

Les personnes souffrant du syndrome de Diogène accumulent journaux, objets, ordures ménagères, déchets parfois toxiques qui sont source de nuisances voire de danger pour le voisinage. Quelles réactions adopter dans les situations les plus graves ?

© Police federale - Inforevue

Des risques avérés pour pouvoir intervenir 

Il est possible d’intervenir dans une propriété privée afin de restaurer l’ordre public, dans ses dimensions de sécurité, de tranquillité ou de salubrité publiques, si l’on peut considérer que ce dernier volet est menacé. 

La jurisprudence considère de manière unanime que les autorités de police administrative, à savoir la plupart du temps les autorités communales, peuvent prendre des mesures à l’égard de propriétés privées dès que la situation présente un danger qui risque de s’étendre aux propriétés voisines ou à la voie publique.

L’exemple phare souvent cité en la matière est le droit qu’ont les Bourgmestres de réagir et d’imposer à un propriétaire de prendre des mesures afin de faire disparaitre la mérule dans une habitation. Cette nuisance est reconnue comme troublant par excellence la salubrité publique par ses risques accrus de propagation. Dès lors, le Bourgmestre peut imposer au propriétaire d’un immeuble de réaliser des travaux d’assainissement. 

Un article précédent explique que le syndrome de Diogène amène parfois une personne à des situations d’insalubrité assez saisissantes. Le risque identifié pour l’ordre public peut donc être lié à la présence de vermines, de rats, de moisissures qui ont tendance à se propager. Dans tous ces cas, des mesures communales imposant le nettoyage, parfois par des sociétés spécialisées sont tout à fait envisageables.

Il en va de même en cas de risque d’incendie. Si ce risque est avéré, le danger est alors tel que la commune pourra également intervenir en vue de faire disparaître ce risque, au besoin par l’évacuation de déchets dangereux. Par exemple, pourrait mener à une intervention communale, la présence de bonbonnes de gaz vides s’accumulant dans un jardin, la présence de déchets inflammables ou toxiques.

Il faut toutefois souligner que les autorités communales ne peuvent agir que si l’ordre public, dans ses dimensions de sécurité, de tranquillité ou de salubrité publiques est menacé. Le « simple » préjudice esthétique découlant de parcelles ou de jardins non entretenus ne permet pas d’imposer un nettoyage forcé sur base des pouvoirs de police administrative. Il faut que la présence de déchets dans le jardin concerné ou l’habitation mène à un danger pour l’ordre public, comme par exemple le fait de provoquer une infestation de rats ou un risque réel d’incendie.



Enfin, dans certains cas, l’intervention peut être menée sous l’angle de la règlementation relative au bien-être animal puisque les personnes souffrant de ce syndrome en arrivent souvent à adopter des animaux jusqu’à ce que ces derniers, par leur grand nombre, leur enfermement et le manque de réponse à leurs besoins soient en réelle souffrance. Des saisies peuvent alors être envisagées, à l’initiative du Bourgmestre ou de la cellule du Bien-être animal de la Région wallonne. Ces interventions ne sont pas inconciliables avec les mesures de police visées ci-avant. C’est par ailleurs souvent à l’occasion de plaintes relatives au bien-être des animaux  que les autorités communales en arrivent à constater des situations d’insalubrité menaçantes pour l’ordre public.

 

La difficulté : constater la dangerosité de la situation 

La principale difficulté pour les autorités concernées reste le constat effectif des risques de troubles pour l’ordre public en question. 

Le domicile est inviolable selon l’article 15 de la Constitution belge et dès lors, sans l’accord de l’intéressé et sauf état de nécessité (pour sauver une vie par exemple), il est interdit de pénétrer dans le domicile de la personne atteinte de ce syndrome sans violer le prescrit légal de manière répréhensible. 

Comment agir en toute légalité par conséquent ? La plupart du temps, l’initiative d’une intervention communale découlera de plaintes du voisinage ou de constats des inspecteurs de quartier, voire encore d’une demande d’aide provenant de la famille du citoyen atteint par ce syndrome. 

Sur base du degré de sérieux de ces plaintes ou constats, le Bourgmestre devra tenter de prendre contact dans un premier temps avec l’intéressé afin de lui permettre de faire valoir ses moyens de défense éventuels. Un accord peut être trouvé en vue d’éradiquer le problème. La personne concernée peut, par exemple, s’engager à contacter une entreprise de dératisation ou à évacuer les déchets sources de risque d’incendie dans un délai convenu. 

Mais on le sait, la plupart des personnes atteintes du syndrome de Diogène sont très réticentes à toute intervention extérieure : le second article Les Diogènes : comment intervenir ? souligne cette difficulté et propose par ailleurs une démarche multidisciplinaire par étapes pour convaincre l’intéressé à se faire accompagner.

Sans solution amiable ou sans réaction de la part de l’intéressé, le Bourgmestre pourra, s’il est certain de l’origine du trouble, imposer les mesures, aux frais du destinataire de celles-ci, et consistant dans les travaux de nettoyage nécessaires pour éliminer complètement la source du problème et ainsi restaurer l’ordre. Le Bourgmestre ne pourra imposer que ce qui est strictement nécessaire pour pallier au danger et ne pourra aller plus loin. Il donne alors au destinataire de son arrêté un délai pour s’exécuter.

Si, pour pouvoir constater le trouble, une visite du domicile est indispensable, il faudra à tout prix obtenir l’accord de l’occupant. Seule une situation très grave comme, par exemple, un incendie naissant, justifie que des personnes habilitées (policiers, pompiers), pour préserver l’intégrité physique des occupants d’un immeuble par exemple, se passent de cet accord. Relire à ce propos la série d’articles consacrée aux interventions policières en des lieux privés.



Procédure d’internement 

Les personnes présentant ce trouble du comportement peuvent aussi présenter un degré de danger pour elles-mêmes et pour les autres. Il y a en effet parfois altération de la santé et de l’état mental de ces victimes.

Une procédure spécifique existe afin de procéder à l’internement d’une personne dangereuse. Elle est contenue dans la loi du 26 juin 1990 relative à la protection de la personne des malades mentaux. Il s’agit d’une procédure stricte menant éventuellement à une mise en observation dans un service psychiatrique ordonnée par décision judiciaire sur la requête de toute personne intéressée, dans des formes bien définies par la loi. Le juge devra alors entendre le malade et étudier la question, le cas échéant moyennant un avis médical avant de décider d’une mise en observation dans un service psychiatrique.

En cas d'urgence, le procureur du Roi du lieu où le malade se trouve peut décider seul de la mise en observation dans le service psychiatrique qu'il désigne. Le Procureur peut également être saisi par requête ou s’autosaisir sur l’avis d’un médecin par exemple. Cette procédure d’urgence n’est appliquée que dans les cas très graves et flagrants. 

Les mesures de protection précitées, à savoir la mise en observation dans un établissement psychiatrique n’est applicable que si l’état du malade mental le requiert parce qu’il met gravement en péril sa santé et sa sécurité ou parce qu'il constitue une menace grave pour la vie ou l'intégrité d'autrui. Le simple fait d’être marginal n’est pas considéré par la loi comme une justification suffisante. La loi règle également la question du suivi et du maintien de cette mise en observation.

 

Ambre VASSART

Juriste spécialisée en droit administratif

Sources :

http://www.ejustice.just.fgov.be/cgi_loi/change_lg.pl?language=fr&la=F&cn=1990062632&table_name=loi

http://www.plateformepsylux.be/ou-sadresser/vos-droits-et-la-legislation/la-plate-forme-de-concertation-en-sante-mentale/

®https://www.secunews.be/fr/

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