Le marchandage de sommeil est une infraction pénale

Parmi les mesures possibles de lutte contre le marchandage du sommeil, le volet répressif est déterminant. Concrètement, est-ce punissable de mettre en location un logement insalubre ? Quelles sanctions encourent les propriétaires sans scrupules ?

Après une description générale du phénomène appelé « Marchandage de sommeil » dans un premier article, nous analysons ici le volet pénal.

© S. van Malleghem

Que dit le code pénal ?

Le marchandage de sommeil est réprimé par le Code pénal en son article 433decies.  

« Sera puni d'un emprisonnement de six mois à trois ans et d'une amende de cinq cents euros à vingt-cinq mille euros, quiconque aura abusé, soit directement, soit par un intermédiaire, de la situation de vulnérabilité dans laquelle se trouve une personne en raison de sa situation administrative illégale ou précaire, de sa situation sociale précaire, de son âge, d’un état de grossesse, d’une maladie, d’une infirmité ou d’une déficience physique ou mentale en vendant, louant ou mettant à disposition, dans l’intention de réaliser un profit anormal, un bien meuble, une partie de celui-ci, un bien immeuble, une chambre ou un autre espace visé à l’article 479 du Code pénal, dans des conditions incompatibles avec la dignité humaine. L'amende sera appliquée autant de fois qu'il y a de victimes » 

Notons que la loi du 29 avril 2013 a abrogé dans l'article 433decies du Code pénal la partie de phrase (ici en italique) qui soulignait la vulnérabilité de la victime : … dans des conditions incompatibles avec la dignité humaine « de manière telle que la personne n'a en fait pas d'autre choix véritable et acceptable que de se soumettre à cet abus. »



Les éléments déterminant l’existence de l’infraction

Nous pouvons distinguer cinq éléments constitutifs de l’infraction.  

  • La mise à disposition, la location ou la vente : que cela soit par écrit ou non, mais moyennant une contrepartie financière ou une prestation en nature (la victime travaille et en échange, elle est logée) ; 

     
  • D’un bien meuble ou immeuble : peu importe que le bien soit un immeuble au sens classique du terme, une chambre, une roulotte, une caravane, un conteneur, une cabane, un véhicule, … ;

     
  • Des conditions incompatibles avec la dignité humaine : elles s’incarnent dans la dangerosité du logement, le manque d’équipement sanitaire ou tout autre élément d’insalubrité comme le nombre de personnes dans le logement au regard de l’espace disponible. On trouve aussi des exemples dans les logements non étanches ou infestés par des espèces nuisibles ;

     
  • Le fait d’abuser de la vulnérabilité d’autrui : la victime doit être précarisée ou en situation (même provisoire) de faiblesse. Pensons par exemple à une infirmité ou une maladie contraignant le locataire d’accepter le logement proposé, une femme enceinte cherchant un appartement dans l’urgence, etc. Ce critère est apprécié sans tenir compte de l’état d’esprit de l’occupant qui peut s’estimer comblé par son logement alors même que ce dernier sera considéré comme insalubre et donc remplissant ce critère de l’abus. Enfin, iI importe peu que la victime soit belge ou étrangère ;

     
  • Le profit réalisé par le propriétaire doit être anormal : c’est-à-dire démesuré comparé à la qualité du logement. Ce critère de profit est toujours considéré comme abusif en présence d’un arrêté d’insalubrité administratif constatant l’état délabré du logement et prononcé par une commune. Dans ce cas, un juge va toujours considérer qu’un loyer perçu est disproportionné.



Les sanctions

Tous les éléments constitutifs de l’infraction doivent être réunis pour que l’auteur soit sanctionné. Nous nous rendons vite compte de la difficulté de sa mise en pratique. En effet, si la mise à disposition d’un bien est un élément tangible, les autres critères comportent une part de subjectivité : qu’est-ce qu'une condition incompatible avec la dignité humaine ? Qu’est-ce que la vulnérabilité ? Qu’est-ce qu’un profit anormal ? … 

Le Code pénal prévoit des peines plus sévères lorsqu’il s’agit d’une activité habituelle ou lorsqu'elle constitue un acte de participation à l'activité principale ou accessoire d'une association ou d’une organisation criminelle, et ce, que le coupable ait ou non la qualité de dirigeant (art. 433undecies et 433duodecies du Code pénal). 

Des peines accessoires pourront également être prises telles que l’interdiction de certains droits, mais également la confiscation des immeubles et des loyers perçus par le propriétaire condamné.



À l’issue des deux premiers articles, nous discernons toute la complexité qui entoure la lutte contre les marchands de sommeil. Les différentes facettes et les différentes approches qu’elles soient administratives, judiciaires, policières, associatives, doivent être explorées de manière conjointe.  

Kevin LIBIOUL

Coordinateur - Centre d’Information et d’Expertise d’Arrondissement

Police Fédérale - DCA Namur 

Ambre VASSART

Juriste spécialisée en droit administratif



Code pénal sur : https://www.ejustice.just.fgov.be/cgi_loi/loi_a1.pl?language=fr&caller=list&cn=1867060801&la=f&fromtab=loi

®https://www.secunews.be/fr

Étiquettes