Sortir de la délinquance

Lorsque l’on s’intéresse à l’histoire de vie de certains délinquants, on peut l’examiner en termes de "carrière délinquante", parce qu’on y observe une progression et des stades dans la criminalité. Il n’y a pourtant rien d’inéluctable.

© Steve Closset

Entrer dans la délinquance

De nombreuses recherches mettent en évidence que le groupe joue un rôle crucial dans l’apprentissage et la transmission de comportements criminels (attitudes et techniques) par imitation, surtout auprès des jeunes.

Par leur théorie de l’association différentielle, Sutherland et Cressey ont montré le rôle des interactions dans cet apprentissage. L’individu adopte aussi les valeurs du groupe, ce qui peut inclure les motivations et justifications de l’activité criminelle.

En mettant en évidence ce qu’il a appelé la « spirale délinquante », Born a considéré que l’on choisit ses amis vu la similitude des valeurs et des conduites partagées, ce qui renforce réciproquement les comportements déviants. Il ajoute que le choix des comportements correspond souvent à intégrer un groupe de pairs constituant son « groupe de référence ».

Nous savons aussi que divers facteurs sont souvent associés à la récidive : des troubles de la personnalité, des addictions, la situation professionnelle et sociale, etc.

 

La désistance

Pour les criminologues, la désistance se définit comme la sortie de la délinquance en faveur de conduites conformes aux normes sociales. 

Elle s’opère généralement de manière progressive, dans une perspective temporelle, mais aussi de manière incertaine. Si elle demande de la détermination, d’autres éléments président à sa réussite : ressources personnelles, opportunités, nature des actes commis, etc.

Evidemment, la meilleure manière de sortir de la délinquance… est de ne jamais y entrer. Une série de conditions y sont favorables : l’inclusion sociale, le soutien de ses proches et de son milieu de vie, l’engagement dans diverses activités, un bon suivi scolaire, l’existence de réseaux sociaux, etc. 



Ce qui favorise la désistance

Lorsque le (mauvais) pas est franchi, une réponse adéquate peut éviter de transformer « une primo-délinquance » en « délinquance professionnelle ». Sans doute une réaction sociale immédiate est-elle nécessaire, tant vis-à-vis de l’auteur (ex : en posant fermement les limites, par un soutien, etc.) que de son milieu de vie (ex : envers les parents d’un mineur). Encore faut-il éviter de recourir trop vite à l’emprisonnement qui a des effets pervers, notamment à la suite de la fréquentation d’autres détenus.

Nombre d’auteurs considèrent toutefois que l’expérience d’une intervention institutionnelle, comme l’arrestation par la police, est parfois de nature à impliquer le processus de désistance. Toutefois, cet effet ne s’observe que si l’expérience s’accompagne de changements subjectifs importants concernant l’image de soi, la motivation, etc.

On estime aussi que la diminution de la délinquance peut être corrélée avec l’avancée en âge (dans le sens de la maturité), ce qui rappelle l’idée que tout délinquant finit par se calmer. Cela s’explique par un amoindrissement des capacités physiques mais aussi par une autre manière d’évaluer les risques encourus.

Sur le plan socioéconomique au sens large, en fonction de leurs ressources, différentes situations procurent aux délinquants de nouveaux engagements et liens favorisant la désistance, notamment par leur effet de contrôle social informel et l’éloignement du groupe de référence (supra). Certainement, l’obtention d’un travail en fait partie car il procure des moyens légaux (capital économique), un sens à la vie et une définition sociale de soi. Ainsi, notre métier participe à l’image que les autres se font de nous. Mais un travail représente aussi, pour un délinquant, un signe de reconversion. Il permet de créer des liens nouveaux (capital social) et cadence l’existence (ex : respecter les horaires).

Ensuite, l’engagement dans une vie de couple et/ ou la naissance d’un enfant peut produire un même effet, sachant que cela va souvent de pair avec le travail. En somme, les institutions et les événements positifs de la vie jouent un rôle majeur dans la réintégration sociale du délinquant et le processus de désistance.

Sur le plan individuel, on soulignera les effets positifs d’apprentissages portant sur la gestion des émotions et sur les capacités de communication, ainsi que de tout ce qui permet une prise de conscience, de donner du sens à la vie, ce qui renforce la motivation à la désistance.



Plusieurs chercheurs estiment aussi que les acteurs de l’intervention sociale (assistants sociaux, éducateurs, etc.) facilitent ce qu’ils appellent le « désistement assisté » en créant des liens avec les délinquants et en leur apportant du soutien. A titre d’exemple, des initiatives consistent à embarquer de jeunes délinquants sur un bateau avec un skipper et un éducateur, à la fois pour les éloigner de leur milieu de vie et pour leur apprendre la vie en commun.



Claude BOTTAMEDI

Chef de corps d’une zone de police er

Sources

Sutherland's Differential Association Theory Explained: https://www.thoughtco.com/differential-association-theory-4689191

MATHLOUTHI Sihem, « Facteurs favorisant le processus de désistance chez les jeunes Tunisiens déviants : analyse diachronique et synchronique d’une intervention interdisciplinaire », Écrire le social, 2020/1 (N° 2), p. 72-94. DOI : 10.3917/esra.002.0073. URL :

https://www.cairn.info/revue-ecrire-le-social-la-revue-de-l-aifris-2020-1-page-72.htm

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