Qui sont les Yakuzas ?

Les Yakuzas font partie du crime organisé au Japon. Toutefois, ce terme générique se décline dans les faits en plusieurs clans. Mais d’où viennent-ils ? Comment sont-ils dirigés et quelles sont leurs activités ?

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Les origines

Comme souvent dans ce type de démarche, la détermination de l’origine des Yakuzas fait l’objet de controverse. Pour les uns, ils seraient issus des gangs de vendeurs ambulants et de joueurs au XVIIème siècle ; pour les autres ils seraient les descendants des samouraïs et ils se seraient constitués au XVIIIème siècle.

Ce qui apparaît plus certain, c’est qu’ils auraient profité de la situation socio-économique de l’après-guerre 40-45 pour se développer et accentuer leurs liens politiques.

 

Organisation et visibilité

Bien qu’il soit toujours délicat de décrire une organisation criminelle en termes fonctionnels, ils seraient formés en clans selon une structure pyramidale, avec un chef (oyabun), un second (le kashira), des conseillers (komon), des rangs intermédiaires, des membres et des « apprentis ». Le sens de la hiérarchie est fortement ancré : on doit fidélité et obéissance aveugle au chef. En retour, les membres bénéficient de conseils, de protection et d’une satisfaction économique, sociale et morale. Il s’agit d’une sorte de don et de contre-don constituant le liant du clan.

Obéissance n’est toutefois pas synonyme de dépendance absolue. Le Yakusa se voit comme un homme libre qui fait notamment ses choix en matière criminelle à l’exception de certaines impositions qui lui sont faites.

Ce qui les différencient d’autres groupements criminels, c’est leur visibilité car ils sont organisés en bureaux, affichant emblème et nom du clan.

 

Rites et éléments culturels

Comme dans d’autres organisations criminelles, des règles formelles président les interactions entre les membres (code d’honneur, façon de parler, etc.) et une cérémonie (sakazuki) s’organise pour introniser les nouveaux membres.

Ce code prévoit aussi comment se punissent les fautes, comme se couper un doigt (shini-yubi), ce qui toutefois serait moins vrai actuellement par souci de discrétion.

Si les mafias italiennes sont adeptes de la vendetta, les Yakuzas savent régler les différends d’une autre manière en cassant la spirale de la vengeance par le sacrifice d’un des leurs ou l’autopunition.

Les Yakuzas sont aussi connus pour leurs multiples tatouages contenant de nombreux signes traditionnels mais parfois des éléments plus modernes comme des fusils ou l’inscription « RIP ». Ces tatouages permettent de définir le clan d’appartenance et de démontrer sa fidélité à celui-ci.

 

Les activités des yakuzas

Certaines activités sont communes à la criminalité organisée internationale tandis que d’autres leur sont spécifiques. Il s’agit en particulier de :

  • Le racket (sōkaiya) de sociétés et de commerçants en échange de protection qui peut aller jusqu’à des actions de « briseurs de grève ». Pour prendre la main sur ces entreprises, ils n’hésitent pas à acquérir des actions, à faire chanter leurs dirigeants, etc.
  • La mainmise sur les paris et les jeux clandestins concernant la lutte, les tournois de sumo, les courses de chevaux. Ils contrôlent aussi des casinos, des loteries.
  • L’intervention dans certains litiges de nature immobilière ou contractuelle suppléant ainsi aux lenteurs et aux coûts de la justice et en monnayant leur intervention. Parfois, ils servent de simples médiateurs dans des litiges civils.
  • La gestion du marché de la prostitution dont les victimes sont essentiellement des étrangères provenant de l’Est de l’Asie ou de l’Europe (Russie, …) et la fourniture de travailleurs pour les docks. Et aussi le trafic d’êtres humains (immigration clandestine…).  
  • Les trafics d’armes et de drogues font aussi partie de leurs sources de revenus qu’ils blanchissent dans diverses sociétés.

On notera que les clans sont très ancrés localement tandis que leur implantation internationale reste limitée. L’environnement socio-économique où sont implantés les clans détermine partiellement la nature de leurs activités. Ainsi, l’industrie du sexe se concentre dans les quartiers chauds des sakariba tandis que le trafic sur l’immobilier conserve toute son intensité dans les quartiers faisant l’objet d’un réaménagement.

En ce qui concerne la corruption, elle est certainement perçue autrement que dans les pays occidentaux. Les cadeaux entre entrepreneurs et hommes politiques sont habituels et ils ne sont pas perçus systématiquement comme de la corruption. L’entente préalable entre entreprises à propos d’un marché n’est pas rare. Ces pratiques sont instituées en système et elles demandent que chacun joue « raisonnablement » le jeu, ce qui limite le nombre de plaintes. Dans ce cadre, les Yakuzas jouent plus particulièrement le rôle d’intermédiaires.

Par ailleurs, ils n’hésitent pas à aider la société lorsque des catastrophes surviennent (ex : tremblement de terre de 2011). Ils se considèrent comme des gens corrects même s’ils sont conscients que leur réputation est entachée.

 

Un phénomène accepté

Les Yakuzas sont largement acceptés dans le Japon moderne, ce qui peut surprendre. L’explication réside dans le fait que de nombreuses personnes trouvent un intérêt dans leurs activités. Ils savent aussi se présenter comme les défenseurs des faibles et ils font preuve d’un grand opportunisme en étant les premiers à porter secours lors de crises lourdes (ex : tsunami de 2011).

 

Claude BOTTAMEDI

Chef de corps d’une zone de police er

Lire aussi : Le Japon et ses organisations criminelles : les yakuzas

Sources :

Andreas Johansson, « Tokyo Vice reminds me of my experience with the yakuza in Japan », The Conversation, sur :

https://theconversation.com/tokyo-vice-reminds-me-of-my-experience-with-the-yakuza-in-japan-182727 ;



Philippe Pelletier, « « Conclusion : l’empire infini », in L'empire des Yakuza, Cairn, 2021, pp. 245 à 268, sur :

https://www.cairn.info/empire-des-yakuza--9791031804583-page-245.htm

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