Comment décrocher et résister aux envies de consommer ?

Celui qui décide de s'abstenir de consommer un produit psychotrope (agissant sur le cerveau), légal ou illégal, éprouve souvent de fortes envies par moment de reconsommer ce produit. Cette envie impérieuse (craving) peut amener à la rechute. Comment faire face à cette période difficile ?

© Patrick Decorte

Origine du craving



Les produits psychotropes provoquant une dépendance psychologique (alcool, tabac, médicaments, drogues...), activent le "système de récompense", un centre situé en profondeur dans notre cerveau.

Ce circuit fonctionne avec un neuro transmetteur stimulant qui est la dopamine. Ce centre a une importance vitale pour la satisfaction de nos besoins, c'est lui qui nous pousse à rechercher la nourriture quand nous avons faim, à boire quand nous avons soif, à rechercher un partenaire sexuel ...



Dans les circonstances normales, ce centre est contrôlé par une autre région cérébrale, le lobe frontal, qui est situé à l'avant du cortex cérébral. Lorsque le circuit de récompense est fréquemment activé par un produit psychotrope, il peut finir par échapper au contrôle du lobe frontal, ce qui provoque la dépendance psychologique.

Le lobe frontal se déshabitue progressivement à contrôler les pulsions venant du "circuit de récompense" et le sujet finit par être persuadé que lorsqu'il est en proie à des pulsions, des envies de consommer, il n'est plus capable d'y résister. Si le sujet reconsomme, le besoin de stimulation du "circuit de récompense" diminue, ce qui provoque un apaisement... jusqu'à ce que le produit ait terminé ses effets.



Lorsqu'une personne veut s'abstenir, elle doit s'attendre à subir des pressions à consommer venant de son circuit de récompense. Elle doit donc réexercer son lobe frontal pour qu'il retrouve son rôle de contrôleur et de blocage des pulsions.





Comment favoriser une reprise de contrôle par le lobe frontal ?



Les pulsions venant du "circuit de récompense" démarrent rapidement surtout s'il y a un stimulus qui est lié à la consommation du produit (moment de la journée où on consomme, vue d'une personne consommatrice, odeur ou stimulus visuel lié à la consommation ...).

Cependant cette pulsion a une durée limitée dans le temps, en général, une à deux heures; par contre le lobe frontal réagit plus lentement que le circuit de récompense mais peut exercer un contrôle de plus longue durée; il s'agit donc de "gagner du temps" pour que le sujet puisse mettre, via son lobe frontal, des mécanismes de contrôle en route.



La première technique

est de retarder la possibilité de satisfaire à l'envie de consommer : ne pas avoir trop d'argent sur soi, ne pas avoir de matériel à sa disposition, effacer le numéro des dealers ou des consommateurs de son gsm ... le temps que le sujet en vienne à avoir l'argent, le matériel et retrouver les sources de consommation, l'envie aura diminué et pourra être maîtrisée.



Différentes techniques

permettent soit de libérer des neurotransmetteurs contrebalançant l'effet de la dopamine, soit de détourner l'attention de la personne sous craving :



faire un exercice physique intense jusqu'à essoufflement, par exemple une série de pompages ou de flexions de jambes jusqu'à ce qu'on ne soit plus capable d'aller au-delà, cela provoque une sécrétion d'endorphine qui apaise et utilise l'adrénaline qui pousse à agir. Le sujet aura besoin d'une période de repos avant que le craving ne réapparaisse.

une douche froide, même brève, provoque une décharge d'adrénaline puis secondairement d'endorphine qui va aussi détourner l'attention et provoquer un apaisement temporaire.

tenir un glaçon dans sa main jusqu'à ce qu'une sensation douloureuse apparaisse permet d'avoir le même effet.

consommer des aliments sucrés ou des boissons non alcoolisées ayant du goût peuvent aider certaines personnes à apaiser leur tension.

écouter certaines musiques peut avoir également comme effet de détourner l'attention; cependant, il faut être conscient que certains types de musiques, au contraire, qui sont liés de près ou de loin à la consommation, peuvent, au contraire, augmenter l'envie de consommer.



Ces différentes techniques n'ont qu'un effet temporaire mais elles peuvent être utilisées successivement ou plusieurs fois à la suite, par exemple l'exercice physique, ce qui permet de gagner du temps nécessaire pour que le craving s'apaise de lui-même. Lorsque le sujet est parvenu à éviter une consommation, si le craving réapparaît le lendemain, il aura développé plus de confiance en lui-même pour y résister, ce qui entraînera une spirale positive.



La pratique de techniques plus élaborées, tels que la méditation en pleine conscience, le yoga, un sport favorisant la sécrétion d'endorphine comme le jogging, ou améliorant le contrôle de son énergie (comme un art martial) peut de façon plus durable renforcer les possibilités de contrôler ses pulsions à consommer.



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Docteur Christian FIGIEL

Psychiatre – Addictologue

Directeur médical du Centre ALFA



Source : Addictions, du plaisir à la dépendance, INSERM

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