Réfugiés ukrainiens : guide à l’intention des familles d’accueil

A quoi prêter attention lorsqu’on souhaite accueillir chez soi des adultes et enfants ukrainiens, souvent traumatisés après avoir dû quitter leur environnement familier pour un autre étranger ? Comment s’y prendre ? Des conseils concrets.

La Guerre en Ukraine a provoqué un nouvel afflux de réfugiés et de victimes de la guerre. Bon nombre de concitoyens se sentent appelés à les aider et à les accueillir. Dans cet article, les conseils concrets qui vous sont proposés, vous permettront de mieux comprendre la situation des personnes déplacées par la guerre, leurs priorités, comment leur parler et soutenir leur résilience et leur force mentale, l’attention à accorder aux enfants, … tout en ne vous oubliant pas.

© asbl BRAVVO - Cyrus Pâques
  1. Être conscient de la situation « post-traumatique » des réfugiés ukrainiens
    • Etat de choc : Nombre ont dû fuir leur espace familier souvent dans l’urgence soudaine de la survie, et sans préparation. Ils ne sont donc pas directement en mesure d’exprimer ce qu’ils ont enduré. Tant les adultes que les enfants peuvent donc se replier dans un cocon protecteur.
    • Réactions post-traumatiques : hyperactivité possible liée aux actions de survie qu’ils ont dû mettre en place pour fuir ce qui les menaçait, hypervigilance, troubles du sommeil et parfois, irritabilité et nervosité accrues.

      Mais les traumatismes n’affectent pas tout le monde de la même façon.

Ce n’est qu’une fois qu’elles auront pu retrouver une certaine sérénité, la tranquillité et l’ancrage dans un environnement familier et sécure que ces personnes pourront laisser place au deuil et à la rétrospection, à l’expression de leurs émotions… Il est dès lors important de leur accorder tout le temps nécessaire avant de leur demander de parler de ce qui leur est arrivé.

 

  1. Fonder d’abord votre accueil sur les besoins concrets exprimés
    • Faites preuve d’empathie en écoutant les besoins fondamentaux et préoccupations les plus pressants du moment, exprimés par les réfugiés eux-mêmes : d’abord la sécurité physique, la mise en place d’un cadre sécurisant pour les enfants qui doivent pouvoir rester « enfants » et jouer, l’adaptation à l’environnement d’accueil provisoire et le rétablissement d’une perspective de vie et puis seulement, l’extériorisation des émotions.
    • Rendez les réfugiés actifs autant que possible dans leur processus de rétablissement pour favoriser leur résilience et leur capacité à surmonter les difficultés.

       
  1. Aborder les choses du quotidien en premier
    • Expliquez comment nous vivons dans cette partie de l’Europe, quelles sont nos coutumes, nos habitudes, notre position face à la guerre en Ukraine…
    • Respectez le rythme d’adaptation des réfugiés que vous accueillez. Ne les exposez que progressivement à notre mode de vie privilégié. Il est important de leur éviter un choc culturel trop violent.
    • Envisagez de vous laisser inspirer par des membres des communautés ukrainiennes présentes dans notre pays qui pourront vous expliquer, ainsi qu’aux réfugiés, la manière avec laquelle ils se sont adaptés concrètement à notre pays.

       
  1. Porter une attention spécifique aux enfants …
    • Aborder le sujet de la guerre avec les adultes, lorsque le moment est venu, doit se faire hors de la présence des enfants.
    • Ayez une approche des informations et des commentaires sur la guerre qui soit adaptée aux enfants afin d’éviter qu’ils ne les interprètent en se construisant des histoires pouvant profondément marquer leurs univers émotionnel et psychologique.
    • Laissez du temps aux parents de retrouver un équilibre supportable dans un environnement quelque peu stabilisé, et aux enfants de retrouver le chemin de l’école, avant de pouvoir envisager qu’ils puissent évoquer ensemble leurs expériences de la guerre.

       
  1. Soutenir la résilience et la force mentale des réfugiés

Considérez, pour ce faire, les réfugiés ukrainiens non uniquement comme des victimes sans défense mais comme de réels survivants ayant réussi à fuir, grâce à leur courage et leur grande force de caractère, une guerre mettant en péril leur vie, bien souvent en laissant derrière eux des proches.

 

  1. Face à l’instabilité émotionnelle normale des réfugiés… 
    • Ecoutez et abstenez-vous de tout jugement. C’est essentiel.
    • Préparez-vous car les réfugiés de guerre peuvent vivre des épisodes intenses de détresse, de désespoir et d’effondrement, comme avoir besoin d’exprimer leur colère et leur indignation à l’encontre des responsables de ce conflit voire de l’absence de réaction militaire de l’Europe ou des Etats-Unis.

       
  1. Exprimez-vous mais …  
    • Evitez les platitudes telles que « Tout rentrera dans l’ordre » ; « Poutine finira bien par perdre. », …
    • Evitez de dire : « Je vous comprends » ou « Je sais ce que vous traversez actuellement », sauf si vous avez traversé les mêmes épreuves
    • Exprimez plutôt votre inquiétude, votre empathie, vos regrets, votre incrédulité face à cette nouvelle guerre…

       
  1. Pas que des moments centrés sur la guerre … 
    • Laissez place à des moments de détente et d’humour
    • Choisissez avec soin quand regarder les informations, les actualités.

      Éteindre régulièrement la télévision et le smartphone peut vous y aider.

Une exposition permanente aux informations de la guerre nuit en effet au processus de rétablissement.

 

  1. La force d’un individu est celle de sa communauté 
    • Restez en lien permanent avec d’autres familles et structures d’accueil pour pouvoir mettre en commun et partager vos expériences et, bénéficier de l’intervention d’assistants sociaux spécialisés.
    • Aidez les réfugiés, autant que possible, à garder contact avec leurs familles et amis dans leur pays d’origine.

       
  1. Et pour continuer à penser à vous… 
    • Etablissez une nouvelle routine avec les réfugiés que vous accueillez.
    • Entretenez avec eux, un dialogue permanent pour vous permettre de vous ajuster les uns aux autres.
    • Faites preuve d’empathie et de sympathie, de bienveillance et d’écoute sans vous enfermer dans un registre de compassion ou de pitié.
    • Réservez-vous des moments de ressourcements, de décompression et de récupération.



Erik DE SOIR

Docteur en psychologie et Docteur en sciences sociales et militaires

Psychothérapeute, spécialisé dans la gestion des catastrophes, au sein du centre de traitement De Weg Wijzer (www.dewegwijzer.org )



Source : « Pouvoir discuter de la tragédie de la guerre – Guide à l’intention des familles qui accueillent des réfugiés de guerre en provenance d’Ukraine » - Erik de Soir – 06-03-2022

Adaptation réalisée par Thierry DEROUA

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