Quand la police contrôle une identité

Les contrôles d’identité systématiques sont sujets à des critiques et mènent parfois à des troubles plus ou moins conséquents. Examinons ce que nous apprennent les recherches récentes à ce sujet.

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Une surreprésentation des minorités ?

Pour un policier, un contrôle d’identité constitue un simple acte administratif. S’il doit répondre à des conditions légales (Voir l’article Les contrôles d’identité : pourquoi ?), une réelle marge de manœuvre est néanmoins laissée au policier pour décider de poser cet acte.

En l’occurrence, il est régulièrement avancé que les personnes issues de minorités sont plus souvent contrôlées. Ainsi, plusieurs recherches menées en France et en Angleterre – mais aussi aux Etats-Unis - concluent que la probabilité de faire l’objet d’un contrôle d’identité est notablement plus élevée pour les hommes jeunes, plutôt d’origine magrébine ou de couleur noire. Selon certaines études réalisées, on comptabiliserait même de trois à quatre fois plus de contrôles portant sur ces personnes. Un autre facteur parfois mis en évidence est l’apparence de la personne, plus particulièrement son habillement. Il alourdirait la probabilité d’être contrôlé, abstraction faite de l’origine des personnes concernées.

Toutefois, des travaux (Maillard, France, 2019) montrent que les pratiques policières différent fortement selon différents critères et niveaux d’interprétation. 

Par exemple, les policiers français ont beaucoup plus tendance à cibler des personnes issues de minorités que leurs collègues allemands. Sans doute que les stratégies policières, les objectifs opérationnels, les cadres juridiques et les types de formation diffèrent entre ces pays. 

On remarque aussi que certains services dans un même pays (France, en l'occurence) ont une plus forte tendance à pratiquer ce type de contrôle. Certes, l’environnement de travail peut en partie expliquer cela mais une interprétation plus affinée reste à réaliser.  

Enfin, des observations menées sur le terrain par Pearson G., Rowe M., soulignent qu’en Grande-Bretagne, certains policiers contrôlent beaucoup plus de personnes issues de minorités que leurs collègues.

 



Le point de vue des personnes contrôlées

En fonction des circonstances et des personnes concernées, les contrôles d’identité sont considérés comme une mesure visant à assurer la sécurité de tous, comme un acte violant l’intimité voire comme une mesure discriminatoire. Mesure discriminatoire car les personnes ciblées sont alors convaincues, à tort ou à raison, que la motivation première du contrôle repose sur des critères subjectifs (couleur de peau, etc.) plutôt que sur des critères objectifs (circonstances, etc.).





L’efficacité des contrôles d’identité

Il ne fait pas de doute que les contrôles d’identité débouchent sur des résultats peu probants. Malheureusement, quand elles existent, les statistiques ne procurent pas suffisamment de précisions sur la nature des suites des contrôles et leur importance. Il semble toutefois que le nombre de faits graves qu’ils permettent de découvrir reste faible.

Une autre question est de savoir si les contrôles d’identité ont un effet préventif et, à cet égard, il est compliqué d’établir une corrélation entre ces actions et la criminalité. Il est seulement généralement conclu qu’aucune relation n’a pu être mise en évidence entre ces deux variables, ce qui fait douter d’un réel effet préventif de cette mesure. 





Conclusions

S’il ne s’agit pas de remettre en question la possibilité de procéder à un contrôle d’identité, c’est surtout le caractère systématique de cette mesure qui est critiqué voire son éventuel caractère discriminatoire.

Toutefois, on aura compris que de nombreuses variables - aux niveaux macro, méso et micro - doivent être prises en compte pour tenter d’expliquer les variations du nombre de contrôles en fonction des populations ciblées.  

Or, surtout en Belgique, l’absence de statistiques fiables ne permet pas d’objecter aux critiques émises voire de les étayer. Pour cela, il est parfois suggéré d’enregistrer systématiquement les contrôles d’identité, en ajoutant aux données personnelles des personnes contrôlées, des précisions sur les motivations et les circonstances, et d’en commenter les suites données. Il semble qu’il s’agisse du seul moyen de créer une image des contrôles d’identité mais celle-ci serait certainement imparfaite et ces relevés alourdiraient de facto le travail policier.

Par ailleurs, des enseignements utiles pourraient être tirés pour améliorer la confiance du citoyen en sa police. Ainsi, on a pu observer, en citant l’exemple de New York, que la modification de la politique de contrôles pouvait se traduire par un travail policier plus ciblé, une amélioration des relations avec le public et une plus grande transparence.



Claude BOTTAMEDI

Chef de corps d’une zone de police er

 

Pour en savoir plus :

Maillard, J., 2019, Les contrôles d’identité, entre politiques policières, pratiques professionnelles et effets sociaux. Un état critique des connaissances, Champ pénal. 

Pearson G., Rowe M., 2020, We spent seven years observing English police stop and search – here’s what we found, The Conversation, 16 novembre 2020 

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