Comment la demande de libération d’un détenu est-elle évaluée ?

Qui décide de la libération d’un détenu ? Le processus de libération est-il systématique ? Comment s’opère l’évaluation du risque de récidive d’une personne incarcérée ? Quelle est la place des victimes dans cette demande de libération ?

© Steve Closset

Le contexte de la demande de libération

Une personne condamnée à une peine de prison reçoit, lors de sa condamnation, une fiche d’écrou, sur laquelle figure des dates d’admissibilité aux mesures d’élargissements de la peine : permission de sortie, congé pénitentiaire, libération conditionnelle, surveillance électronique, détention limitée voire une libération provisoire en vue de l’éloignement du territoire pour les étrangers. Ces dates sont calculées sur base de la peine reçue.

A l’approche de ces dates, la personne incarcérée peut introduire une demande de libération qui entrainera systématiquement une évaluation de son dossier.

Dans le cas des permissions de sortie et des congés pénitentiaires, c’est le ministre de la Justice, représenté par la Direction de la Gestion de la Détention (DGD), qui rendra sa décision. Pour remplir cette mission, la DGD mandate le directeur de la prison pour qu’il rende un avis motivé concernant le détenu. La direction de la prison peut demander l’expertise du Service Psycho-Social (SPS) de son établissement qui est composé de psychologues, d’assistants sociaux et d’un psychiatre.

En ce qui concerne les autres mesures, c’est le Tribunal d’Application des Peines (TAP) qui statue sur la demande de la personne détenue. À nouveau l’avis du directeur est sollicité, toute comme le rapport d’expertise du SPS.





Le contenu du rapport d’évaluation

Le détenu doit présenter un plan de réinsertion pertinent et adéquat. Ce reclassement comprend en général les aspects occupationnels (formation, emploi), un accompagnement médical et/ou psychologique, la gestion de la sphère administrative, les ressources financières, l’évaluation du logement proposé, et la justice réparatrice (indemnisation des parties civiles).

La prison communique son avis à propos de ce plan de reclassement et les contre-indications légales, à savoir le risque de soustraction à l’exécution de la peine, le risque de commission d’infractions graves et le risque d’importuner les victimes.





L’expertise du Service Psycho-Social (SPS)

Le SPS mandaté remet aux différents acteurs impliqués dans les décisions un rapport d’évaluation sur le parcours de vie de la personne détenue (anamnèse, raisons qui l’ont amenée à s’inscrire dans la délinquance, antécédents, problèmes de dépendances, le parcours en détention…). Ce rapport est clôturé par une évaluation du plan de reclassement, les contre-indications légales et un avis (favorable ou défavorable) motivé.

Dans certaines circonstances (faits graves, lourde condamnation...), une analyse de personnalité est requise. Cette expertise est longue et requiert de nombreux entretiens intramuros. Pour mener à bien cette mission, le psychologue recherche une série de données qu’il croise avec ses informations récoltées au cours d’entretiens. Il peut recourir à différents tests tels que les tests de personnalité, des échelles métriques évaluant par exemple le risque de récidive, la psychopathie, la dépression, des tests cognitifs... Tous les résultats sont communiqués à la personne, ce qui permet parfois d’envisager des pistes de travail introspectif.

Afin d’étayer ce rapport d’évaluation, les facteurs qui peuvent prédisposer la personne vers le passage à l’acte délinquant sont abordés tout comme ceux qui peuvent la maintenir dans cette voie délinquante, ou au contraire, les facteurs protecteurs de récidive.

Si une décision est négative, des délais légaux permettent au détenu de réintroduire de nouvelles demandes et de faire actualiser son dossier. L’octroi d’une libération n’est donc pas systématique et les garanties fournies doivent être solides.





Le droit de regard des parties civiles

Toute personne qui s’est constituée « partie civile » lors du procès a la possibilité d’introduire une « fiche victime ». Elle donne droit à être tenue informée des modalités d’exécution de la peine, à poser des conditions lors des libérations devant le TAP (imposition d’un périmètre, exclusion de séjour dans une province...) ou encore d’être entendue par le TAP juste avant le passage de la personne détenue.

Les différents acteurs œuvrant dans la procédure de demande de libération ont accès à cette « fiche victime » et la considèrent comme un des éléments centraux dans l’évaluation du plan de reclassement.

 

L’opinion publique face à ces mesures

Dans l’analyse de ces demandes, c’est la personne détenue qui est évaluée et pas uniquement les faits. Il n’est pas rare que l’opinion publique s’étonne d’une modalité de libération octroyée. Dans la vision d’une justice sûre et humaine, cette possibilité doit être donnée, à condition que les garanties soient assurées. Dans le cadre d’une justice restauratrice, un équilibre entre la protection de la société et la réinsertion de la personne détenue doit être trouvé.

 

Stéphanie PARETE

Psychologue, Prison de Marche-en-Famenne



Source :

La loi du 17 mai 2006 relative au statut juridique externe des personnes condamnées à une peine privative de liberté :

https://www.ejustice.just.fgov.be/cgi_loi/change_lg_2.pl?language=fr&nm=2006009456&la=F

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