Comprendre la formation des gangs

Selon les approches, les bandes (ou gangs) sont sources de liens sociaux entre jeunes vivant dans des situations sociales difficiles, d’activités illégales profitables, de sous-culture voire de période de transition avant le passage à l’âge adulte. En Europe, le mot "bandes" est préféré au mot "gang" alors qu'aux Etats-Unis, la littérature concernant les "gangs" est abondante. Nous allons proposer différentes manières dont la recherche scientifique a tenté d’appréhender le sujet.

© Secunews

La désorganisation sociale

L’idée de base est que, en manque de liens sociaux et comme alternative, des jeunes s’engagent dans un gang. Ils trouvent ce que leur famille et les institutions ne leur procurent pas en intégrant une sorte de société parallèle, environnement propice permettant de répondre à leurs besoins matériels et de reconnaissance.

Plusieurs facteurs potentiels sont mobilisés pour expliquer cette absence de liens : des mouvements démographiques rapides à l’exemple de vagues d'immigration ; des bouleversements d’ordre politique, économique ou social ; des conflits armés ; les effets d’une gentrification accélérée, etc.

Dans cet ordre d’idées, l’anormalité ne concerne ni la formation de gangs, ni les membres qui les composent, mais plutôt les situations sociales qu’ils vivent. 

Certains chercheurs ont ajouté que délinquance et formation de gangs seraient avant tout observables en périphérie des centres-villes, lieux plus chamboulés par les changements sociaux. Mais plus important encore, ils considèrent que la constance des taux de criminalité que l’on y enregistre, indépendamment des individus qui y habitent, accrédite l’idée que ce ne sont pas les caractéristiques des individus qui déterminent l’activité criminelle mais la désorganisation sociale de la collectivité.   



Les opportunités différentielles

Dans une perspective économique, l’on considère que les jeunes ont des désirs élevés (succès, richesse, pouvoir, etc.) et, lorsqu’ils manquent de ressources pour les satisfaire, certains les trouvent grâce aux activités illégales d’un gang.

D’aucuns ont considéré que les gangs sont formés différemment en fonction de leur territoire, ce qui a aussi une influence sur les formes d’illégalismes manifestés.

Plus concrètement, d’autres chercheurs ont avancé que la formation de gangs et leur implication dans la criminalité sont une réponse naturelle aux rigueurs de la vie de la rue. Celles-ci découlent notamment de l’absence ou du délitement d’institutions et de structures, ce qui restreint les opportunités positives, culturelles et sociales, sur fond de problèmes sociaux.

  

La sous-culture

L’hypothèse défendue part de l’idée que des membres de la classe inférieure, ne parvenant pas à atteindre les standards de la classe moyenne, forment un gang où règne un système de valeur propre et différent de celui des autres classes sociales. L’adoption de comportements malveillants et dysfonctionnels confère un certain statut.       

L’engagement à l’égard de ces valeurs formant une sous-culture entraîne donc des comportements problématiques.

 

La stigmatisation

Lorsque l’on étiquette une personne comme étant membre d’un gang, cette caractéristique devient son identité sociale première. Et quand l’individu intériorise cette étiquette, notamment à travers le regard que l’on porte sur lui, il se considère seulement et uniquement comme membre d’un gang et a tendance à se comporter comme tel, ce qui renforce l’opinion que l’on a de lui.     

 

L’association différentielle

Cette approche plus connue considère que les comportements criminels s’apprennent par les interactions avec les autres, tout particulièrement au sein de groupes primaires. Cet apprentissage concerne à la fois les pratiques, les éléments qui fondent leur légitimation et les attitudes.

Sans expliquer vraiment comment se forme un gang, il s’agit plutôt de mettre en évidence le rôle des fréquentations dans l’adoption de comportements répréhensibles.

 

Le contrôle social

Postulant que la déviance fait naturellement partie de l’expérience humaine, les tenants de cette théorie estiment que les personnes qui ne s’affilient pas à un gang ont des liens plus forts avec l’ordre moral que les autres. Ces liens sont constitués par des proches (amis, famille, etc.), des institutions (écoles, emploi, etc.), la participation à des activités conventionnelles et l’adhésion aux valeurs traditionnelles de la société.

Les individus qui s’impliquent dans le crime rejettent leur responsabilité, s’opposent à l’autorité et considèrent ne pas causer de tort.    

 

Les compensations sociales

Une récente recherche sur les bandes (Marwan Mohammed) termine ce tour d’horizon. Elle considère qu’adhérer à une bande permet de gérer une période de transition, de construction de soi et de passage à l’âge adulte. A cela s’ajoute le fait qu’appartenir à une bande confère du pouvoir d’achat permettant de faire face à une forte pression à la consommation quand on a des moyens très limités et apporte une identité, de la reconnaissance et une réputation à travers les transgressions

La bande permet de gérer l’ennui, le conflit avec les institutions et l’échec scolaire par des voies différentes de gratification.

Une comparaison entre le jeune en bande et les autres jeunes du quartier met en évidence le poids de la taille des fratries sur l’écart scolaire et sur l’avenir socioprofessionnel. Cette variable implique de lourdes contraintes sur la logistique, sur le travail domestique, sur les coûts d’entretien et sur la disponibilité des parents. On observe souvent que les logements ne sont pas adaptés à la taille de la famille et qu’ils comportent très peu « d’espaces scolaires ».



Chacune des théories présentées apporte un éclairage plus ou moins pertinent sur la formation des gangs méritant débats et nuances.

 



Claude BOTTAMEDI

Chef de Corps d’une zone de police er

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