Villes et prévention

Prévenir l’insécurité dans nos villes incombe à la police mais implique également des initiatives de prévention sociale et situationnelle. Dans tous les cas, le rôle des responsables locaux et des citoyens reste fondamental.

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Prévention sociale et prévention situationnelle

La police peut jouer un rôle important en matière de prévention, notamment en fonction de ses ressources et sans doute plus particulièrement à propos de certains types de criminalité ou d’incivilités. Mais il est maintenant bien convenu qu’elle ne peut assumer seule ce rôle.  Ainsi, d’autres modalités de prévention s’ajoutent à ses actions. Il s’agit notamment de :

  • La « prévention sociale » qui entend moins agir sur le crime que sur les causes du crime : par exemple, agir sur l’environnement social de jeunes et répondre à des problèmes individuels pourraient avoir pour effet de réduire les actes de délinquance, même s’il ne s’agit pas toujours du but premier. Mais elle requiert des moyens importants.

     
  • La « prévention situationnelle » qui consiste à sécuriser l’espace public en développant des murs au sens propre comme au sens figuré (quartiers « barricadés »), en mettant en place des techniques de surveillance (vidéosurveillance et aménagements urbains), en ajoutant de l’éclairage public, etc. Elle s’inscrit dans le concept anglosaxon de « Crime prevention through environmental design », à la suite des travaux de Ronald Clark, tenant de la théorie du choix rationnel. Cette perspective suppose que l’auteur d’un délit recherche le plus grand bénéfice à moindre coût.

Même si ces formes de prévention peuvent avoir des effets positifs, elles font cependant l’objet de stratégies d’évitement (éviter d’être reconnu via les caméras de surveillance), elles peuvent être onéreuses et provoquer un relatif déplacement de la criminalité.

 

Le rôle des responsables locaux  

Depuis des années, le bourgmestre est considéré comme le régisseur de la sécurité au niveau local. A travers différents dispositifs comme les Plans Stratégiques de Sécurité et de Prévention et d’organes tels que le conseil zonal de sécurité, il peut agir avec différents acteurs institutionnels (police, parquets…) dans une philosophie de coproduction de la sécurité (1).

Son rôle est régulièrement redessiné dans un mouvement de dévolution de missions au bénéfice du niveau local. Un exemple récent : les sanctions administratives pour lutter contre l’implantation du crime organisé.

L’importance des acteurs institutionnels de la prévention ne doit toutefois pas occulter le rôle substantiel que peuvent jouer les citoyens.

 

Le rôle des citoyens

Si les experts peuvent remplir un rôle notable, le vécu des habitants d’un quartier est source de solutions appréciables. Ils connaissent les problèmes, les réalités locales et souvent les auteurs des incivilités. Il est donc indispensable que les habitants prennent part aux décisions les concernant.

C’est dans cette logique que la police de proximité prend toute son importance. En travaillant la qualité des relations avec les citoyens, elle peut gagner leur confiance et obtenir leur aide. On sait combien ils peuvent être à l’origine d’informations importantes et on leur doit nombre d’interpellations réalisées grâce à leur vigilance. Pourtant, il n’est pas rare que des voisins soient témoins d’infraction mais n’osent pas appeler la police durant la nuit, notamment, « pour ne pas déranger ». Convaincre les habitants d’un quartier qu’il vaut mieux appeler pour rien que de regretter de ne pas l’avoir fait, est un « ouvrage à remettre vingt fois sur le métier ».

Certes les partenariats locaux de prévention peuvent avoir leur utilité à condition que soient réunis un certain nombre de facteurs clés de succès (suffisamment de ressources policières, une implication continue de tous les acteurs concernés, un flux régulier d’informations, etc.). Toutefois, on se rend compte que des initiatives doivent se prendre encore au plus près des citoyens, grâce à des dispositifs complémentaires.  

En outre, c’est dans ce type de démarche que le rôle de l’inspecteur de quartier prend tout son sens. Qui mieux que lui est censé connaître la population des quartiers, entrer en contact avec elle et gagner sa confiance. Il est sans doute le mieux placé pour convaincre les citoyens de faire confiance à la police.

Indépendamment des rapports avec les institutions, les citoyens peuvent jouer un rôle important si l’on redonne de la vigueur au contrôle social informel qui s’exerce dans les interactions sociales quotidiennes. Cela suppose aussi des villes où règnent la convivialité et la mixité sociale, où l’on favorise les échanges entre individus, etc. Cela passe également par des aménagements urbains adéquats favorisant les interactions.

De même, il faut encourager les actions spontanées des citoyens ; celles qui peuvent ramener la sérénité dans un quartier, qui consistent à « faire la leçon » aux enfants turbulents et à aider à résoudre un conflit bénin sans nécessairement que la police doive intervenir. Pour cela, il est indispensable qu’ils se sentent responsables entre eux et solidaires.   

Enfin, les formes de prévention peuvent aussi être indirectes quand elles favorisent le mieux vivre ensemble : fêtes de quartier, journée des voisins, etc.

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Claude BOTTAMEDI

Chef de corps d'une zone de police er

(1) Voir par exemple le projet “PACTESUR” financé à 90% par la Commission européenne et qui vise à renforcer les capacités des villes et des acteurs locaux pour la sécurité des espaces publics. Consortium : Villes de Nice, Liège, Turin, Forum européen pour la sécurité urbaine, Associazione Nazionale Comuni Italiani–Piémont. 

Sources :

Oblet Thierry, Défendre la ville. La police, l'urbanisme et les habitants, PUF, coll. « La ville en débat », 2008, 122 p.

Borzeix Anni et alii., Participation, insécurité, civilité : quand les habitants s’en mêlent., in Villes et sécurité en ville, Les cahiers de la sécurité, Revue trimestrielle de sciences sociales, n°61, 2006, pp.55-84.

Clarke R., sld, (1997), Situational Crime Prevention - Successful Case Studies, Second Edition, Albany, Harrow and Heston.

®https://www.secunews.be

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