Ville et santé mentale

Les troubles psychiques au sens large affectent de très nombreuses personnes. Les habitants des villes sont particulièrement concernés et les élus locaux de plus en plus confrontés à cette question. Comment peuvent-ils appréhender le sujet ?

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Un sujet complexe

La définition que donne l’OMS de la santé mentale montre toute la complexité du sujet. Dans une approche positive, elle concerne la promotion du bien-être et la prévention des troubles mentaux. D’un point de vue thérapeutique, elle envisage le traitement et la réadaptation des personnes atteintes par ces troubles.

Dès lors, mesurer l’importance du phénomène est très complexe et se heurte parfois à des considérations externes (ex : secret professionnel, etc.). Indirectement, on peut se faire une idée en prenant connaissance de la consommation d’anti-dépresseurs. Il apparaît ainsi que le nombre de personnes se plaignant de ces troubles est en nette augmentation. Les raisons évoquées sont multiples et elles affectent diversement les personnes. On peut notamment lister :  la dégradation des conditions socio-économiques due à l'inflation notamment ; les conditions matérielles d’existence (ex : salubrité des logements…) ; l’environnement urbain (bruit, pollution, rythme de vie…) ; l’impact de la Covid-19, notamment sur les jeunes, etc.

 

Des conséquences lourdes

Les troubles mentaux affectent directement les personnes concernées et ils réduisent aussi leur espérance de vie. De manière plus générale, la souffrance psychique entraîne ce que d’aucuns nomment la « spirale de l’exclusion », soit l’exclusion sociale et/ou professionnelle, l’isolement, un mal-être aggravé, la perte de son logement, etc.

Au niveau de la collectivité, ils représentent un poids économique direct et indirect grevant lourdement les finances publiques et les entreprises, en particulier en alimentant l’absentéisme.

Par ailleurs, les comportements apparemment insensés, imprévisibles voire violents des personnes affectées dans l’espace public sont de nature à renforcer le « sentiment d’insécurité » qui se nourrit de nombreuses sources (insécurité socio-économique, contexte géopolitique international tendu, « faits divers », etc.).



Des exemples d’actions concrètes

Comme dans bien des domaines, le travail en partenariat est indispensable. Il peut être motivé par des situations d’urgence comme « L’ accord de coopération avec la Région » à Gand. Il réunit PAKT (réseau des acteurs de soins en néerlandais), le parquet, la police et la maison de Justice, pour une prise en charge coordonnée des personnes en crise.

En dehors de ces cas exceptionnels, un partenariat impliquant les villes peut être mis en place pour repérer les personnes en souffrance, les orienter vers les bons dispositifs, les prendre en charge et les réintégrer. De nombreuses villes belges disposent d'un service « santé mentale », parfois limité au CPAS, parfois plus largement intégré à une plate-forme comprenant divers intervenants.

Mais le cas des Conseils locaux de santé mentale français est intéressant car il coordonne les interventions entre les élus locaux, la psychiatrie publique, les représentants d’usagers, etc., en misant sur la proximité, parfois sur un plan intercommunal, afin de coconstruire une politique locale de santé mentale.

Un bel exemple est celui mis en œuvre par un "Atelier santé ville" (ASV) pour favoriser les compétences psychosociales des personnes affectées ; compétences qui « sont la capacité d’une personne à répondre avec efficacité aux exigences et aux épreuves de la vie quotidienne. C’est l’aptitude d’une personne à maintenir un état de bien-être mental, en adoptant un comportement approprié et positif à l’occasion des relations entretenues avec les autres, sa propre culture et son environnement » (OMS). Il s’agit notamment de savoir communiquer efficacement, être habile dans les relations interpersonnelles, avoir conscience de soi, avoir de l’empathie pour les autres, savoir gérer son stress, savoir gérer ses émotions, etc.

Dans ce projet, tous les acteurs des quartiers (agents de prévention, acteurs des soins de santé, etc.) sont invités à valoriser ces compétences en menant des actions de formation, d’animation, etc. Un travail particulier se fait sur le cadre de vie proprement dit, sur la sécurité, en encourageant l’entraide, etc.

Enfin, citons l’expérience du Service de police de la Ville de Québec confronté à de nombreuses interventions en lien avec la santé mentale (3). Depuis 2020, des formations destinées au personnel policier, une équipe spécialisée et une collaboration étroite avec les organismes concernés ont produit des résultats significatifs.  



Conclusion

Dans le cadre d’un processus de coproduction de la sécurité (4), une politique de prévention urbaine ne peut être efficace sans la mise en œuvre d’un plan global comprenant la réintégration des plus vulnérables. Cette réintégration passe par le développement d'habiletés personnelles mais également par la cohésion sociale.

Il s’agit de favoriser le développement durable, d’emménager des espaces verts, d’encourager des pratiques culturelles et sportives, et de miser sur le « faire ensemble » pour encourager la solidarité. Indirectement, d’autres éléments ont également une influence positive sur la santé mentale en fonction des populations concernées : l’accès aux transports en commun, la proximité des services publics, les perspectives d’emplois, etc.

Claude BOTTAMEDI

Chef de corps d’une zone de police er

Sources :

1/Compte-rendu du Colloque « Conseil locaux de santé mentale Santé mentale et politique de la ville : enjeux et leviers », Centre national de ressources et d’appui aux Conseils locaux de santé mentale, 09 novembre 2017, Amiens, sur :

https://sites.uclouvain.be/reso/opac_css/doc_num.php?explnum_id=10713

2/Géraldine Langlois, « Urbanisme et santé psychique : plaidoyer pour une ville relationnelle », La Gazette des communes, 14/01/2022, Sur :

https://www.lagazettedescommunes.com/784706/urbanisme-et-sante-psychique-plaidoyer-pour-une-ville-relationnelle/

3/La santé mentale, un enjeu de taille pour le SPVQ

https://metroquebec.com/actualites/306231/la-sante-mentale-un-enjeu-de-taille-pour-le-spvq/

4/ L’évolution et les défis de la sécurité dans les villes, sur :

https://www.un.org/fr/chronicle/article/levolution-et-les-defis-de-la-securite-dans-les-villes

®https://www.secunews.be/fr/

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