Une évaluation suisse des bodycam

Utilisée depuis quelques années aux Etats-Unis, la bodycam, autrement appelée caméra-piéton, est de plus en plus adoptée par les polices européennes. L’évaluation récente du canton suisse de Vaud s’est révélée positive.

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Résultats généraux de l’évaluation

Les situations de travail n’ont pas été dégradées à la suite de l’utilisation des bodycam dans le cadre des relations entre la police et ses usagers.

Cette technologie est bien acceptée par les policiers pour autant que soit exclue une utilisation à des fins de surveillance par leur hiérarchie.

Nombre de policiers rapportent avoir observé un effet de « désescalade » lors de certaines interventions d’urgence et de situations dégradées. A cela s’ajoute, selon eux, un « effet rassurant » lors de contacts avec des personnes menaçantes ou perturbées.

Les utilisateurs ont manifesté un besoin de formation continue portant sur des mises en situations concrètes, en particulier pour parfaire la réussite de l’enregistrement dans des circonstances d’urgence et de stress.

Le cadre restreint de l’évaluation n’a pas permis de tirer de conclusions à propos de la plus-value des images dans le cadre d’une procédure pénale bien que cela apparaisse très probable.

 

L’évaluation opérationnelle

Hormis lorsqu’il convenait de préserver la dignité de certaines personnes, la bodycam a pu être portée en permanence sans bouleverser le travail quotidien.

Si le sigle « VIDEO » est peu remarqué, le port d’une bodycam est adéquatement annoncé oralement.

Sur le terrain, elle tranquillise et renforce le sentiment de légitimité lorsque les modalités d’interventions conflictuelles sont mises en cause, tout en contribuant à l’apaisement de l’agressivité. En effet, les personnes filmées ont tendance à se contenir mais cet effet n’est toutefois pas systématique.

 

L’évaluation de la réaction publique

La bodycam n’a pas été un frein au contact avec le public. De manière générale, celui-ci a exprimé des avis positifs sur cet équipement sans être opposé au fait d’être filmé.

Si elle peut prévenir un passage à l’acte agressif contre la police, cet effet s’amenuise face à des sujets sous influence de drogue ou d’alcool.

Même lorsqu’elle n’est pas en fonction enregistrement, la bodycam concourt à la gestion et à la dispersion de curieux ou de personnes agressives. En outre, "face à des vidéastes amateurs, elle réduit l’asymétrie des moyens de prise de vue et elle assure les policiers quant à leur possibilité d’attester de la dégradation de la situation". 

 

Retours d’expérience des utilisateurs

Si une très faible minorité de policiers a renoncé au port de la bodycam, les autres policiers interrogés ont soulevé son intérêt pour pacifier les relations avec le public qui devient, grâce à cette technologie, plus coopératif et moins agressif. Ils considèrent aussi qu’elle permet d’éviter des plaintes injustifiées. En conclusion, ils sont favorables à une extension de son utilisation.

 

Résultats complémentaires

Il est apparu que la bodycam pourrait aussi être utilisée pour :

  • La formation et le perfectionnement professionnel grâce aux images enregistrées dans des situations réelles, notamment pour les unités spécialisées ;
  • L’appui sur le terrain lors d’opérations de maintien de l’ordre et a posteriori pour l’identification d’individus voire l’examen critique des tactiques en gestion de foule ;
  • Les collaborations interprofessionnelles avec différents partenaires de la police ;
  • L’exploitation forensique des vidéos : reconstruction d’un événement, identification d’une personne, etc.

 

Recommandations 

Quelques recommandations concluent la recherche dont les principales sont :

  • Le déploiement des bodycam dans les différents services devrait être échelonné ;
  • Il convient d’évaluer l’appropriation de la technologie au quotidien ;
  • Un monitoring doit suivre cette appropriation quotidienne ;
  • Une formation à l’utilisation des bodycam doit être organisée ;
  • Il s’avère nécessaire aussi de préciser dans quelles mesures les enregistrements pourront être utilisés dans la chaîne pénale et quelle valeur leur conférer ;
  • Un visionnement ciblé et contrôlé des vidéos devrait être autorisé pour les policiers équipés ;
  • Les vidéos de bodycam peuvent aussi avoir une finalité didactique et alimenter les connaissances professionnelles ;
  • Un recours à la bodycam pour le travail « solo » s’avère possible ;
  • Sur le pan communicationnel, des initiatives sont nécessaires tant pour informer le public que le personnel policier.

 

Conclusions finales

L’usage des bodycam et plus globalement la place des technologies dans le travail policier suscitent pas mal de questions sur l’évolution des relations police/population ainsi que sur le sens et les finalités du métier policier (autorité, sécurité personnelle, valeur de la parole, etc.) mais aussi dans d’autres domaines (organisation, droit, etc.).

Un « solutionnisme » technologique entoure l’adoption internationale des bodycam. Il se traduit par une croyance répandue dans la capacité de la bodycam à "apporter une solution immédiate à des problèmes qui ne sont intrinsèquement pas technologiques". Il est utopique de vouloir multiplier les caméras "dans le but de surveiller tout le monde, tout le temps" ainsi que de viser à éliminer "toutes zones informelles du travail".

Si l’évaluation menée par le Canton de Vaud confirme les avantages de la bodycam (contribuer à dissuader des comportements menaçants, limiter les fausses accusations, etc.), ils n’apparaissent toutefois pas dans toutes les situations concrètes.

Il faut aussi tenir compte du fait que l’utilisation des bodycam sera d’autant plus efficace qu’elle s’accompagnera d’une appropriation active de la part des utilisateurs et que ceux-ci accepteront que la caméra enregistre tant les policiers que les usagers.  

En outre, un usage optimal des bodycam va de pair avec une position d’ouverture des policiers, en ce sens qu’ils devront faire preuve de réflexivité par rapport à leur propre quotidien professionnel. Il s’agit de penser et d’analyser les pratiques et les interactions avec le public afin de trouver un équilibre entre les équipements portés, les attentes des différents publics et le niveau de service fourni.



Lire aussi : L’impact de la bodycam dans la question raciale aux Etats-Unis 

 

 

Claude BOTTAMEDI

Chef de corps d’une zone de police er

 

Pour en savoir plus :

Rapport d’évaluation. Essai-pilote des caméras-piétons (bodycam) dans le canton de Vaud et en ville de Lausanne. Étude mandatée par le Corps de police de la Ville de Lausanne et la Police cantonale vaudoise. Étude réalisée par : Dr Michaël MEYER, Université de Lausanne, Le ColLaboratoire –Unité de recherche-action, collaborative et participative, sur :

https://www.vd.ch/fileadmin/user_upload/organisation/dse/polcant/fichiers_pdf/2020/Polcant/Rapport_d_%C3%A9valuation_bodycams_.pdf

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