Réseaux criminels dans le trafic de migrants

Le trafic de migrants affecte l’UE qui apparaît comme une destination stable en demande de main d’œuvre ou constitue un lieu de passage. Les réseaux criminels ont compris que cette activité était très lucrative. Comment s’organisent-ils ?

© ITM-Photophillipo66

Des réseaux structurés

Certains réseaux, les plus importants, disposent de ressources suffisantes pour mener à bien toutes leurs opérations de manière autonome. Ils s’organisent grosso modo selon une logique de division des tâches entre leurs membres :

  • Le chef de réseau : à la tête de l’organisation, il s’occupe de gérer les activités à distance. Il joue plutôt un rôle stratégique ;
  • Les intermédiaires : ils recrutent les migrants, supervisent la logistique (hébergement, paiements, etc.) ;
  • La base : appelés parfois « facilitateurs », ce sont eux qui mènent les opérations de terrain (transport de migrants, etc.) et qui sont donc les plus exposés à la répression.

Le champ d’action de ces organisations s’étend sur un plan international et elles sont impliquées dans des opérations de contrebande complexes.

D’autres réseaux, plus modestes, collaborent entre eux pour se compléter en fonction de leurs spécialités (ex : équipements nautiques) et agissent surtout au niveau local ou régional. En somme, ils sont interdépendants et ils font appel à des individus qui apportent leur aide à plusieurs réseaux.

 

Caractéristiques des réseaux 

Il semble qu’ils fassent preuve d’une grande adaptabilité face aux changements de l’environnement au sens large. Ainsi, si les agences répressives intensifient leurs actions ou si les politiques d’asile changent, ils peuvent modifier les itinéraires mais aussi leurs prix. En effet, ceux-ci sont adaptés en fonction de facteurs tels que la sécurité, la difficulté du passage des frontières, la longueur du voyage, le pays de destination, la « richesse » des migrants clandestins, etc.

Ils sont aussi capables de (re)localiser leurs activités lorsque s’ouvrent de nouvelles routes migratoires.

Les réseaux de trafic de migrants actifs dans l'UE sont composés à la fois de ressortissants de l'UE et de pays tiers, ces derniers étant majoritaires. En outre, dans de nombreux cas, les passeurs ont la même nationalité que les migrants qu'ils font passer ou sont originaires des pays situés le long des itinéraires de trafic.

Les passeurs de migrants originaires de l'UE opèrent généralement dans leur propre pays ou dans les pays voisins.

 

Modes opératoires 

Les "recrutements" se font par divers moyens mais ce sont souvent les migrants eux-mêmes qui recommandent des réseaux en fonction de leurs expériences. Ils sont aussi favorisés par les liens ethniques et linguistiques entre passeurs et migrants. Ils ont lieu principalement où se concentrent les migrants clandestins (ex : centres d'accueil et des camps de fortune). Ensuite, les communications mobilisent habituellement des outils numériques, en particulier via les réseaux sociaux. 



Les passages se font par bateaux, par véhicules sur route - notamment en location - souvent surchargés pour accroître les profits voire, pour ceux qui en ont les moyens, par avion. Il est parfois nécessaire de combiner plusieurs moyens de transport.

Les migrants sont véhiculés vers l'UE, entre pays de l'UE (appelés "mouvements secondaires"), ou de/à travers l'UE (ex : vers GB).

D’autres services sont aussi proposés : l’hébergement durant le voyage, la fourniture de faux documents et l'aide à la légalisation du séjour notamment en organisant des mariages de complaisance, en donnant des instructions utiles aux migrants (ex : déclarer une fausse origine, etc.), en les informant sur la législation en matière de droit d’asile, etc. A cet égard, rappelons que les demandes d'asile frauduleuses permettent aux migrants en situation irrégulière de légaliser temporairement leur statut de résident dans l'UE pendant qu'ils sont en transit.

Quant au paiement, il se règle lorsque les migrants sont arrivés à destination ou au fur et à mesure du voyage voire par l’intermédiaire de « hawaladars ». Quant aux chauffeurs, ils sont payés après avoir prouvé que les migrants sont arrivés au lieu prévu.

Pour réaliser leurs opérations, les réseaux criminels n’hésitent pas à recourir à la corruption voire aux menaces et à la violence envers les représentants de l’autorité et les concurrents. Plus fréquemment, les passeurs n’hésitent pas à menacer et agresser les migrants pour qu’ils obéissent aux instructions données ou encore pour les forcer à payer les frais de passage.



Claude BOTTAMEDI

Chef de corps d’une zone de police er

Source :

Europol (2023), Criminal networks in migrant smuggling, Europol Spotlight Report series, Publications Office of the European Union, Luxembourg, sur :

https://www.europol.europa.eu/cms/sites/default/files/documents/Europol%20Spotlight%20Report%20-%20Criminal%20networks%20in%20migrant%20smuggling.pdf

®https://www.secunews.be/fr

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