Regroupements de jeunes et dynamique des bandes

Les regroupements de jeunes sont protéiformes et ils ne peuvent tous être confondus avec des bandes. Quant à celles-ci, elles participent à la socialisation de leurs membres en valorisant certains comportements, parfois déviants, parfois délictueux.

 

© Steve Closset

Groupe de jeunes, bandes ou hordes ?

Certains auteurs (Philippe Robert et Pierre Lascoumes) ont tenté de classifier les groupes de jeunes en quatre catégories :

  1. Premièrement, il y a les groupes « à support institutionnel » qui réunissent des jeunes dans diverses organisations (école, patros, clubs sportifs, etc.). Ils participent à une socialisation secondaire ;

     
  2. Deuxièmement, se créent des groupes « spontanés ». Il s’agit de jeunes fréquentant un même lieu (école, quartier, etc.) dont les relations sont d’ordre affectif et ludique. Ils se ressemblent généralement du point de vue origine sociale, sont plus ou moins du même âge et se distinguent notamment du premier groupe par leur côté informel. Il s’agit du cas le plus fréquent ;

     
  3. Troisièmement, les « hordes » rassemblent de nombreux jeunes de manière inorganisée. Ils possèdent toutefois une conscience commune d’appartenance au groupe ou « une communauté d’attitudes » au niveau culturel, musical, etc. Leurs interrelations sont faibles et plutôt gestuelles que verbales ;

     
  4. Quatrièmement, les bandes sont des formes de hordes dont les membres sont moins nombreux et qui ont des interrelations plus intenses, ce qui les rend plus efficaces pour mener un but commun.

 

La présence de jeunes en rue peut paraître menaçante

D’aucuns estiment que les regroupements sur la voie publique constituent à peine 10% de la population des jeunes, les autres étant ce qu’ils appellent les « invisibles ». Les « visibles » occupent l’espace public comme lieu de vie et pas seulement comme lieu de circulation. Notons que cette visibilité implique aussi une stigmatisation a priori comme membre d’une bande.

Leur seule présence apparaît comme menaçante au point que l’espace public leur est abandonné par ceux qui se retirent dans leur espace privé. Un des effets du changement social se résume comme suit : chacun chez soi et la rue pour « eux ».

Dès lors, si un contrôle social diffus tendait à réguler les comportements jugés inadmissibles, il n’en est plus rien. Comment intervenir auprès de jeunes perçus comme dangereux, que l’on connaît peu et dont on ne veut pas fréquenter les parents pour s’en différencier ?       



Lorsqu’un regroupement prend la forme d’une bande, on observe qu’elle se consolide par une cohésion interne en opposition à « l’extérieur ». Les membres considèrent l’espace public comme leur territoire et donc leur présence comme légitime.

Le plus souvent, les « phénomènes collectifs » dans les quartiers sensibles sont plutôt spontanés, peu organisés et dépendent des événements voire des opportunités. Il n’en demeure pas moins qu’ils peuvent dégénérer au point de constituer ce que l’on nomme communément des émeutes.



 

La bande socialise

La bande constitue un socialisateur fort. Ses membres, par leurs interactions apprennent à adopter des comportements conformes aux attentes des autres. En l’occurrence, elle prône recherche de puissance et confrontations. On y apprend à devenir des « hommes, des vrais, » et à vivre d’une économie souterraine et du « tombé du camion ». 

Allongement de la scolarité, fin du service militaire et chômage endémique, sont autant d’éléments qui impliquent que les membres des bandes sont parfois plus âgés. Ces derniers socialisent les plus jeunes de manière plus structurée et les entraînent à commettre des délits plus graves. Il convient de montrer que l’on est « cap. » pour ne pas être exclu.

Ce « vieillissement » crée une histoire de la bande dont les plus jeunes veulent perpétuer la réputation. Ainsi, ils sont parfois impliqués dans des conflits dont plus personne ne connaît les raisons.



 

De la déviance à la délinquance

Certains auteurs considèrent qu’être membre d’une bande dans un quartier sensible revient à vivre dans un univers de compétition permanente où il faut construire sa réputation, ce qui peut aussi nécessiter de participer à différents degrés à des trafics, particulièrement de cannabis.

Dans certains quartiers, on observe un glissement d’un amateurisme à une professionnalisation du trafic voire à une implication dans le grand banditisme. Ce type de bande se distingue alors des autres dans la mesure où il relève plus du « crime organisé », de la délinquance professionnelle. 

 

Rencontrer la délinquance des bandes

Sans prétendre à une relation de causalité, on constate que le contexte de la délinquance des bandes est celui d’espaces collectifs dégradés, souvent inadaptés à la taille des familles que l’on peut qualifier de précaires. On y observe aussi un taux de chômage élevé et certaines formes de discriminations.

Sans disqualifier les systèmes de contrôle social organisé, rencontrer les situations évoquées implique donc de promouvoir des espaces institutionnalisés favorisant la participation, l’intégration, la reconnaissance, l’épanouissement personnel et l’engagement des différentes franges de la population concernées dans des domaines d’activités socio-culturels comme l’éducation, la culture, la sécurité, etc.



Une fois encore, on sera amené à conclure que la répression seule est insuffisante.



Claude BOTTAMEDI

Chef de Corps d’une zone de police er

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