Police administrative générale vs polices spéciales : qui est prioritaire ?

Que signifie concrètement le terme "police administrative" et qui est concerné ? Comment décide l’autorité communale lorsque les mesures de police administrative spéciale sont en concurrence avec celles de police administrative générale ?

Les autorités communales n'ont en général de compétences que pour prévenir ou faire cesser les troubles à l'ordre public donc en matière de police administrative. Cette police administrative préventive est tantôt générale tantôt spéciale. Ces deux notions paraissent cavalières mais sont en réalité faciles à appréhender.



Nous rappelons en quoi consistent la police administrative générale et les polices administratives dites spéciales, puis nous définissons les critères selon lesquels elles seront respectivement amenées à s’appliquer à travers un exemple.

© Federale Police - Polimagery

La police administrative générale / les polices administratives spéciales



La police administrative générale est un corps de règles introduisant une compétence générale comme son nom l’indique. Il s’agit du maintien de l’ordre public au sens large dans ses dimensions de sécurité, tranquillité et salubrité publiques par le Bourgmestre à travers des arrêtés de police ou par le conseil communal à travers des règlements communaux.



Ces dernières mesures peuvent être adoptées même si elles portent atteinte aux droits et aux libertés des individus qu’elles visent. Il s’agit par exemple de faire abattre un arbre qui menace de tomber sur la voie publique ou d’interdire par voie de règlement communal, d’organiser des manifestations festives publiques sans obtenir au préalable l’autorisation de la commune.



Elles ne peuvent toutefois exister qu’aux deux seules conditions d’être adoptées en réponse à un risque réel, à une menace pour l’ordre public (à savoir la salubrité, la tranquillité et la sécurité publiques) et de demeurer dans un rapport de proportionnalité avec le danger que l’on entend prévenir. Ainsi, il est disproportionné d’exiger la fermeture de tous les débits de boissons sur le territoire d’une commune à partir de 20h30 pour préserver le calme et la tranquillité des citoyens. Cette mesure est démesurée par rapport à la liberté garantie de commerce et d’industrie.



La police administrative spéciale a en réalité la même fonction. On la qualifie simplement de spéciale parce qu’elle régit un pan spécifique de l’ordre public à travers un corps de règles déterminé (une loi, un décret régional) en attribuant éventuellement des compétences à certaines autorités plutôt qu’à d’autres. Il en va ainsi du code de l’environnement ou de la législation applicable aux activités ambulantes et foraines qui sont des corps de règles introduisant des polices spéciales.





Concours entre la police administrative générale et une ou plusieurs polices administratives spéciales



Comment doit-on réagir lorsqu’existe un corps de règles constituant une police spéciale dans une matière, par exemple l’urbanisme, et qu’un trouble en lien avec l’activité, par exemple un immeuble menaçant ruine à front de voirie, survient sur le territoire communal ? Parfois, la commune doit alors se positionner pour savoir si une mesure de type général doit être prise ou si les mesures spécifiques prévues par la loi doivent s’appliquer. Ainsi, pour reprendre notre exemple, peut-on démolir l’immeuble qui menace ruine alors que le code de l’aménagement du territoire régit la manière d’effectuer les travaux urbanistiques ?



Le principe qui prévaut est celui d’une part du cumul des règles lorsque cela est possible car la police spéciale ne prévaut que dans la stricte mesure où elle déroge à la police générale. D’autre part, celui de l’exclusion de la police administrative générale lorsqu’une police spéciale forme un corps de règles «suffisamment complètes et détaillées» [1], les pouvoirs de police administrative générale ne peuvent être mis en application et s’effacent.



En pratique, cela signifie que chaque fois que la police administrative spéciale ne règle pas à suffisance le trouble qui survient, les autorités communales pourront alors agir afin de rétablir l’ordre par voie d’arrêté du Bourgmestre ou de règlement communal selon les cas. La police administrative générale peut venir compléter la police spéciale.





Un exemple de mise en œuvre



Un immeuble qui menace de s’effondrer sur la voie publique peut-il faire l’objet d’une mesure de police administrative générale, destinée à le démolir pour rétablir la sécurité publique ? Il présente en effet un réel risque de trouble à l’ordre public dans sa dimension de sécurité publique.



Comme on le sait, tout ce qui touche à l’urbanisme et aux constructions fait l’objet de lois spécifiques en aménagement du territoire. Dans ce cas, la seule police spéciale de l'aménagement du territoire et de l'urbanisme wallonne par exemple ne permet pas de prévenir l'atteinte à l'ordre public général en cause.



Il faut donc admettre l'intervention complémentaire de la police générale si la mesure de police générale peut se justifier par la nécessité de sauvegarder un aspect de l'ordre public général que la police spéciale en question ne permet pas de garantir ou ne règle pas c'est-à-dire prononcer la démolition.



Si les lois spécifiques sur l’aménagement du territoire requièrent des autorisations spécifiques pour la démolition de l’immeuble en question, il faut dans la mesure du possible disposer de ces autorisations dès lors que l’urgence le permet. Dans le cas contraire, la police générale pourra primer afin de préserver à tout prix la sécurité publique car la vie ou l’intégrité physique des personnes sont en jeu à l’instar de notre exemple, ce qui justifie l’urgence d’une intervention.





Remarque :

L’article 12 de la loi sur la fonction de police prévoit un ordre de priorité dans les cas particuliers où plusieurs mesures de police sont prises concomitamment par certaines autorités et doivent être exécutées simultanément par un ou plusieurs services de police : "Lorsque, à l'occasion d'un même événement, des mesures de police administrative générale et de police administrative spéciale doivent être prises simultanément, les décisions, ordres et réquisitions des autorités de police administrative générale sont exécutées en priorité." Exemple : accident de train transportant des produits chimiques, catastrophe aérienne, etc.



Ambre VASSART

Juriste spécialisée en droit administratif



Lire également: Les pouvoirs du Bourgmestre en matière d'ordre public 



Pour aller plus loin : https://www.uvcw.be/police-administrative/actus/art-7642

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