Participation citoyenne : De l'information à la codécision

Dans un souci démocratique mais aussi d’efficacité, il est régulièrement fait appel à la participation des citoyens dans de nombreux domaines comme la sécurité. Toutefois, l’évaluation de l’importance de cette participation est rarement évoquée.

© asbl BRAVVO - Cyrus Pâques

L’échelle de participation

Pour aider à réfléchir à cette question, il est intéressant de mobiliser « l’échelle de participation » de Sherry R. Arnstein qui schématise les différents stades de collaboration des citoyens. La question est de savoir quels rôles ces derniers peuvent jouer dans la communauté (ou les membres d’une organisation) en ce qui concerne les prises de décision et leurs procédures.

  

Les trois niveaux de participation

L’information ou l’absence de participation

Au niveau le plus bas, se situe la « non-participation » même si l’on donne l’impression que les citoyens sont impliqués. Elle se limite à les informer exactement et de manière unilatérale sur les projets au cours de réunions publiques, par courriers, etc. Néanmoins, aucun feed-back n’est attendu en ce sens qu’ils ne peuvent donner leur avis. L’autorité se positionne comme expert et se contente d’énoncer les problématiques et les décisions prises à ce sujet.

Par exemple, elle décide d’aménagements urbains pour répondre à une certaine insécurité routière. Mais en se privant de l’avis des riverains, ses décisions peuvent être contre-productives puisqu’elles n’intègreront pas de potentielles problématiques locales.

Deux formes perverties d’information sont parfois observées : le détournement et la manipulation. Dans le premier cas, il s’agira d’aborder des questions mineures pour faire écran aux problèmes majeurs qui sont passés sous silence. Dans le second, l’information devient de la manipulation puisque son contenu est volontairement erroné afin notamment de légitimer des choix (ex : donner une image exagérée d’une situation pour justifier des investissements).       

La consultation

A ce second niveau, il n’est pas seulement question d’information mais aussi de consultation en ce sens que l’avis des citoyens est sollicité à propos d‘un sujet particulier ou de questions plus larges comme la sécurité en général, le sentiment d’insécurité, etc. Il leur est demandé d’exprimer leurs souhaits/opinions sur les projets en cours qui auront donc déjà été définis en leur absence.

L’exemple bien connu est celui du Moniteur de sécurité (https://www.moniteurdesecurite.policefederale.be/moniteurdesecurite/) qui constitue une enquête menée auprès de la population à propos de différents thèmes en matière de sécurité. Les questions qui se posent subséquemment sont les suivantes :

  • Comment agréger des attentes différentes sinon contradictoires ? Cela se fait généralement en favorisant la majorité mais parfois aussi par une approche qualitative plus complexe.
  • Quelles suites sont apportées aux avis ? Pour en revenir au Moniteur de sécurité, on constate que certaines zones de police intègrent dans leur plan zonal de sécurité des attentes exprimées par les citoyens sondés. En quelque sorte, ils participent ainsi à la décision en ce qui concerne la définition des priorités mais celles-ci restent du ressort des autorités qui conservent le dernier mot.

A noter que la consultation des citoyens peut prendre d’autres formes (ex : réunion publique) et porter sur des territoires plus restreints qu’une zone de police (ex : quartier). Parfois, les citoyens d’une entité se font représenter par quelques membres de leur communauté pour faciliter les échanges.   

Codécision et délégation

Au niveau le plus élevé de la participation, à l’information et la communication, s’ajoute la décision. Les citoyens sont mobilisés sur des projets déterminés par les autorités mais ils peuvent aussi, d’initiative, indiquer les problématiques qu’ils entendent voir résoudre. Ils interviennent non seulement à toutes les étapes du processus décisionnel mais plus encore, ils peuvent penser « out of the box » et amener des idées originales s’écartant des propositions de l’autorité. Ils ont pour eux de vivre au quotidien les réalités de l’environnement dont il est question.   

Les choix se feront à la fin d’un processus de codécision, souvent comme résultante d’une négociation entre l’autorité publique et les citoyens. A cet égard, est parfois mis en place ce que d’aucuns qualifient de « forum hybride » réunissant autorités publiques, experts et les acteurs concernés (citoyens, artisans, …). Les échanges s’enrichissent mutuellement des savoirs partagés, des expériences de chacun, du « choc des idées » et les décisions sont collégiales.

En guise d’illustration, reprenons l’exemple précité. Le problème d’insécurité routière est précisé par différents experts (architecte urbaniste, service de police, échevin de la mobilité…). Les riverains font part des réalités locales en termes de circulation, d’habitudes, d’activités particulières, etc. Les autorités précisent les limites juridiques et financières dont il faudra tenir compte. Les solutions sont discutées et les décisions sont prises collégialement.

A noter que l’implication des citoyens pourrait aussi se concrétiser par une délégation de pouvoir à leur bénéfice, portant sur la détermination d’un programme et sa réalisation, voire par la gestion autonome d’un équipement ou d’un quartier. Toutefois, nous ne connaissons pas d’exemple en matière de sécurité.             



Claude BOTTAMEDI

Chef de corps d’une zone de police er

Lire aussi :

Sherry R. Arnstein, [PDF] (en) A Ladder of Citizen Participation, Journal of the American Institute of Planners, vol. 35, no 4, juillet 1969, p. 216-224, sur :

https://www.miguelangelmartinez.net/IMG/pdf/1969_Arnstein_participation_ladder_AJP.pdf

https://www.ruedelavenir.com/wp-content/uploads/2018/10/A-3-Espaces-publics-pr%C3%A9vention-et-GUP-95.pdf

®https://www.secunews.be/fr/

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