On ne badine pas avec l’uniforme !

Collectionner des insignes et uniformes de polices belges et étrangères est un hobby courant. Mais les porter en public ouvre des droits liés à la fonction et n’est donc pas chose anodine. Les dispositions légales à ce sujet.   

© Patrick Decorte

Depuis que l’humanité existe, le port d’une qualité visible et reconnue attribue une identité fonctionnelle et des prérogatives de droit. L’ usage illégitime d’un signe distinctif est une ruse de guerre maintes fois répétées au cours de l’Histoire.

Il est connu que les articles 227 à 232 du Code Pénal répriment l’usurpation de fonctions, titres et noms. L’ article 228 du même code vise spécifiquement le port « public » notamment d’un uniforme qui, dit le législateur, « ne lui appartient pas » ce qui doit se comprendre comme étant le port sans titre ni droit d’un uniforme.



La condition d’existence de l’incrimination est le port public

Mais qu’en est-il des logos, insignes et autres pièces propres à la Police ? Qu’en est-il de pièces étrangères comme "FBI" ou "Police Nationale" ou "Bundeskriminalpolizei" ? Qu’en est-il des anciens uniformes et insignes ?

La loi du 21 décembre 2013, souvent oubliée, répond à ces questions et protège spécifiquement l’uniforme de Police.

Les uniformes et pièces d’uniformes de polices belges

Les uniformes et pièces actuels sont réglementés non seulement par l’article 228 du Code Pénal mais bien plus précisément par la Loi du 21 décembre 2013 portant des dispositions diverses (Moniteur 31 décembre 2013, Numac 2013000824).

L’article 2 vise tout ou partie de l’uniforme de police dans les trois langues nationales, y compris les copies, contrefaçons « plus ou moins fidèles » sans qu’une couleur différente puisse échapper au champ d’application de la Loi.

L’article 3 interdit la vente y compris à distance, le dépôt, le gage, l’emprunt, la fabrication, l’importation de « la totalité ou d’une pièce de l’uniforme de police ». Il y est prévu des sanctions de 8 jours à un an et (non pas « ou ») de 50 à 50.000 euro ! Le vol d’uniforme est donc toujours chose grave puisque s’ajoute cette disposition particulière.

Les articles 4 et 5 visent spécifiquement le port. Le port connaît une distinction selon que l’on soit dans l’hypothèse de l’article 2 alinéa 1 (pièces authentiques) ou l’article 2 alinéa 2 (imitations, copies même grossières). Dans le premier cas, l’article 4 sanctionne même s’il n’y a pas d’intention de faire croire à la qualité nécessaire au port de l’uniforme tandis que l’article 5 exige un dol ainsi qualifié : « Frauduleusement ou de façon malveillante ». L’idée est qu’une copie peut s’imaginer sans « mauvaise intention » pour un spectacle, un film, une reconstitution historique… Les sanctions sont de 200 à 1.000 euro (fois huit actuellement !)

L’ article 6 énumère les exceptions et les conditions de celles-ci.

L’ article 7 renvoie à l’application du livre Ier du Code pénal.

L’ article 8 oblige le Juge à confisquer tandis que l’article 9 vise la récidive et aggrave les peines.

Les uniformes et pièces de police d’un autre Etat

La question doit être approchée au regard de l’article 228 du code pénal qui ne se limite pas aux uniformes nationaux ; la problématique se pose face à une éventuelle confusion. Une chose est de croiser un adolescent qui se balade avec "CIA", "Gendarmerie Royale du Canada" ou "FSB" sur un sweet shirt … une autre est de croiser un quidam porteur du brassard "Police Nationale" près de la frontière française ou "FBI" près l’ambassade des USA ou un porteur à Eupen d’un insigne de la "Bundeskriminalpolizei". La légitimité du port peut être questionnée, l’intention doit être mesurée.

Les anciens uniformes et pièces de Police

Il me semble admissible qu’un uniforme de police d’avant 1914 soit porté lors d’une fête scolaire ou simplement détenu. Par contre, moins il y a espace de confusion avec les signes de la fonction actuelle, plus l’infraction se constitue. Plus l’uniforme ou la pièce laisse croire à la fonction, plus l’incrimination existe par la tromperie, qu’elle soit induite passivement (art 2 al 1) ou qu’elle soit recherchée sciemment (art 2 al 2). Le contexte lui-même apportera aussi une dimension qui devra être considérée. Il est donc important de relever celui-ci. Reste que le port d’un uniforme actuel, en tout ou partie, tombe nécessairement sous les interdictions de la Loi.

Quod des ressemblances évoquées par l’article 2, alinéa 2. Un képi bleu avec un peu de dorure laissé bien en vue, un brassard orangé-fluo qui porterait la mention « alice » en même calligraphie que « Police », me semblent poser question. Si ce brassard est porté au sortir d’une banque victime d’un hold up… la confusion recherchée est évidente et serait induite chez « toute personne raisonnable » selon le critère de l’article 2 alinéa 2. Il appartiendra cependant au Juge d’apprécier.

L’habit fait donc le moine, contrairement au dicton, … sinon à quoi le reconnaîtrait-on ? 



Yves DEMANET

Avocat



Note 1 : Le projet de loi déposé le 24 juillet 2023 introduisant le livre II du Code Pénal, (Chambre 553518/001) remplace les articles 227 et suivants par les articles 453 et suivants. On notera la rédaction plus heureuse de l’article 457 qui parle d’usurpation d’habits ou de signes d’un ordre (idem op cit., page 439).

Source : https://www.lachambre.be/FLWB/PDF/55/3518/55K3518001.pdf

Note 2. L’usage du titre d’avocat n’est pas plus anodin. L’article 227 ter punit spécifiquement cette infraction et le port d’une Toge d’avocat sans en avoir la qualité relève de l’article 228 du Code Pénal.

Source : Loi du 21 décembre 2013 portant des dispositions diverses Intérieur sur : 

https://etaamb.openjustice.be/fr/loi-du-21-decembre-2013_n2013000824.html

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