L’infraction involontaire est-elle punissable ?

Généralement, l’auteur d’une infraction est poursuivi s’il a volontairement commis un fait puni par la loi. Toutefois, même sans cette intention, il peut faire l’objet d’une sanction. Dans quelles conditions un fait involontaire est-il punissable ? 

Avant tout, rappelons un principe de base, le principe de légalité qui s’exprime comme suit : « Nullum crimen nulla poena sine lege ». En d’autres termes, il n’y aura d’infraction et de peine que si cela est prévu par une loi pénale. Par exemple, l’inceste entre adultes consentants peut être moralement condamnable mais, en Belgique, il ne peut être sanctionné à défaut d’une loi pénale qui l’interdit.    

 

© Steve Closset

Les éléments constitutifs d’une infraction



Pour en venir aux éléments constitutifs, on distingue l’élément matériel et l’élément moral.



L’élément matériel, c’est en quelque sorte l’extériorisation de l’infraction, sa réalisation, soit par un acte que l’on pose (ex : soustraire frauduleusement un bien, art. 461 du C. pénal.) soit encore par une abstention (ex : abstention de venir en aide ou de procurer une aide à une personne exposée à un péril grave, art. 422 bis du C. pénal). Evidemment, cet élément matériel variera en fonction de l’infraction examinée, ce qui nous sera renseigné par la loi ou l’article de loi qui prohibe l’acte.



Ensuite, toute infraction suppose un élément moral qui est parfois explicitement précisé. Pour les infractions dites « intentionnelles » l’élément moral sera le dol général ou le dol spécial. 

Le dol général, c’est l’intention de l’auteur qui a voulu non seulement l’acte commis mais aussi le résultat. En d’autres termes, il a agi expressément ; il a agi sciemment et intentionnellement. On peut citer comme exemple : l'arrestation arbitraire par un fonctionnaire ou un officier public (C. pén., art. 147), la corruption (C. pén., art. 246-252) ou les écoutes illégales (C. pén., art. 259bis).

Quant au dol spécial, il est parfois exigé par la loi lorsqu’elle impose, outre le dol général, un but précis, une intention plus spécifique, comme une intention méchante, le dessein de nuire ou une intention frauduleuse. Il a pour effet de réduire le champ d’application de la loi aux seuls cas où cette intention spécifique existe. Il s’agit à titre d’exemple de : le détournement (C. pén., art. 240), la destruction de titres (C. pén., art. 241), le meurtre (C. pén., art. 393) ou encore le faux en écritures publiques (C. pén., art. 193).



Ces hypothèses concernent les infractions intentionnelles (volontaires). Mais qu’en est-il des infractions non-intentionnelles (involontaires) ? 



 

L’infraction involontaire ou non-intentionnelle



Si l’infraction intentionnelle nécessite un dol (une intention), l’infraction non-intentionnelle suppose seulement une faute. Dès lors, il n’est pas nécessaire que l’auteur ait voulu enfreindre la loi mais il suffit qu’il ait commis les faits « par défaut de prévoyance ou de précaution », ce qui constitue la faute.



C’est bien de ce « défaut » dont il est question lorsque l’on examine les fameux articles 420 et 418 du Code pénal réprimant respectivement les coups et blessures involontaires et l’homicide involontaire. On considère que l’auteur de l'infraction devait ou aurait dû savoir que son comportement risquait de causer un dommage prévu par la loi pénale.

Pour établir cette infraction, le juge se demandera comment agirait une personne normalement prudente et diligente placée dans les mêmes circonstances. En outre, il conviendra qu’il établisse un lien causal certain entre la faute et le dommage. Pour cela il se demandera si, sans la faute, le dommage se serait réalisé tel qu’il s’est produit. Si ce n’est pas le cas, le lien de causalité est établi.

En vertu de ce que l’on nomme « la théorie de l’équivalence des conditions », la multiplicité des causes est sans importance sur la responsabilité de l’auteur qui devra répondre de sa faute dès l’instant où elle a concouru à la réalisation du dommage. Ainsi, l’homicide involontaire n’exige pas que le défaut de prévoyance ou de précaution commis par le prévenu soit la seule cause du décès car il suffit, que l’imprudence ait été la condition nécessaire du décès.





Quelles conséquences ?



En prenant connaissance des « faits divers », on constate que les situations donnant lieu à l’application de cette loi pénale sont très nombreuses, ainsi :

  • Le fait d’avoir causé un accident entrainant des dommages corporels après avoir refusé une priorité ;

     
  • Le décès de plusieurs personnes suite à une fuite de gaz mettant en cause le propriétaire des lieux, les services de contrôles, etc. ;

     
  • L’accident d’un train ayant entraîné le décès de plusieurs passagers à la suite de l’imprudence du conducteur qui a brulé un feu rouge, etc.



Il apparaît clairement que l’on peut être mis en cause pénalement dans de nombreux drames résultant d’un défaut de prévoyance ou de précaution. Qui plus est, il est considéré que, « toute demande en dommages et intérêts dirigée soit contre l'auteur de l'accident, soit contre les personnes civilement responsables, est une action civile qui a son fondement dans un délit. » (Cass., 17 juillet 1884, Pas., 1884, I, p.275). Autrement dit, à la sanction pénale s’ajoutera probablement un dédommagement civil qui peut être très lourd.

Ces considérations invitent certainement à agir avec prudence.





Claude BOTTAMEDI

Chef de corps d'une zone de police er

 

Code pénal belge  

https://www.ejustice.just.fgov.be/cgi_loi/loi_a1.pl?language=fr&caller=list&cn=1867060801&la=f&fromtab=loi

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