L’impact psychologique d’un cambriolage

L’intrusion du domicile provoque presque toujours un choc émotionnel, voire engendre un syndrome psycho-traumatique, en particulier si les victimes ont vu les malfaiteurs et si le vol s’est accompagné de violences. Pourquoi un cambriolage génère-t-il d'aussi fortes émotions ?

© Kato Peeters

L’importance de l’habitat

Pour comprendre en quoi l’effraction d’un domicile est un événement bouleversant, il est essentiel de rappeler la place qu’occupe l’habitat dans notre équilibre psychique.

Premièrement, pour la grande majorité d’entre nous, la résidence est un cocon protecteur. C’est un refuge stable, un lieu sécurisant où l’on se sent à l’abri des dangers extérieurs. Rentrer chez soi, c’est retrouver ses repères dans une atmosphère unique et rassurante. Lorsque des étrangers font effraction dans ce lieu privilégié, les murs perdent leur rôle protecteur et le sentiment de sécurité des occupants s’en trouve compromis. Si les armoires ont été vidées, les tiroirs renversés, les lits retournés et les portes fracturées, l’impression d’insécurité et de chaos en est renforcé. C’est particulièrement vrai pour les personnes âgées chez qui le désordre de leur logement brouille les repères quotidiens.

Deuxièmement, notre domicile est le lieu de notre identité, celui où l’on peut être vraiment soi-même, détendu, sans fard, sans chichis. C’est un lieu pensé, choisi, décoré, soigné, marqué par nos habitudes, par nos goûts et par nos odeurs. C’est une part de nous-mêmes à laquelle nous nous identifions. C’est probablement la raison pour laquelle nous l’appelons volontiers notre « intérieur ».

Troisièmement, notre domicile est le lieu de notre intimité. Les voleurs pénètrent dans la salle de bain et la chambre à coucher. Ils accèdent à ces endroits privés, dont même les amis proches et la famille sont tenus à l’écart. Ils fouillent les effets personnels des occupants et touchent leurs sous-vêtements.

Quatrièmement, notre domicile est le lieu de nos trésors. Nous y gardons des objets de valeur : une télévision, un ordinateur, un téléphone portable, un appareil photo, des bijoux. Outre le préjudice financier, leur vol provoque souvent un sentiment d’injustice, surtout si leur propriétaire a travaillé durement pour pouvoir se les offrir ou s’ils contiennent des données importantes. Nous thésaurisons également des objets sentimentaux, irremplaçables, chargés de souvenirs en lien avec des personnes aimées, parfois décédées, ou à des moments marquants de notre histoire. Leur disparition provoque généralement une grande tristesse. C’est une sorte de deuil de leur passé que les cambriolés ont à opérer. 

 



L’impact psychologique, du choc émotionnel au traumatisme

Il existe de grandes différences entre individus dans la façon de faire face à une effraction de leur domicile. Les réactions dépendent certes de leur personnalité et de leurs antécédents mais plus encore de la gravité du cambriolage.

Les répercussions sont différentes si le malfrat s’est emparé du butin dans une habitation inoccupée et si la victime a assisté impuissante au vol de ses biens. Lorsque les habitants étaient absents de leur domicile, la situation provoque un choc émotionnel, parfois important, mais conduit peu fréquemment à un traumatisme. Toutefois, si les lieux ont été dégradés ou si les objets dérobés étaient d’une grande valeur marchande ou affective, l’impact est généralement plus conséquent. Les femmes seules qui ne peuvent compter que sur elles-mêmes pour assurer leur sécurité et les familles responsables de jeunes enfants peuvent également présenter des réactions majorées.

Si les victimes étaient présentes au moment des faits, si elles ont été menacées de violence, si elles ont été malmenées et agressées physiquement, si elles ont été blessées ou si elles ont craint pour leur vie, elles risquent de développer un véritable traumatisme. 



 

Le traumatisme psychique 

Les reviviscences

Les reviviscences sont des manifestations du traumatisme par lesquelles la victime a l’impression d’être ramenée dans le passé et de réexpérimenter le cambriolage, voire même de le revivre.

Les souvenirs répétitifs et envahissants du vol surviennent indépendamment de la volonté de la personne. La victime ne désire pas se remémorer les faits mais l’événement s’impose sans arrêt à son esprit de façon involontaire et envahissante. « Je n’arrête pas d’y penser. Je revois toujours ce visage cagoulé devant moi » témoignait une patiente.

Flash-back est un mot anglais signifiant « retour en arrière ». Il s’agit d’une reviviscence reproduisant tout ou partie de l’événement traumatisant faisant brusquement irruption dans la conscience de la victime. Cette reviviscence est vécue comme réelle pendant un bref instant, tout au plus durant quelques secondes, mais elle plonge les victimes dans un grand désarroi, parfois pour de longues heures. Par exemple, une patiente a pris brièvement une branche agitée par le vent dans la pénombre du soir pour un cambrioleur surgissant des fourrés. Durant la nuit, le trauma s’impose également. Les personnes revivent l’événement en rêve et se réveillent généralement en sursaut.

Les victimes ont souvent l’impression que l’événement pourrait se renouveler, que le danger guette et que leur domicile pourrait à nouveau être cambriolé. Souvent aussi, les victimes craignent de quitter leur foyer pour se rendre au travail ou aller faire des courses et davantage encore, lorsqu’elles partent en vacances.



Les conduites d’évitement

L’évitement est une réponse innée. Il constitue une séquence comportementale défensive visant à accroître les chances d’échapper à une nouvelle situation traumatisante.

Pour prévenir une éventuelle intrusion des cambrioleurs, la majorité des victimes sécurisent leur domicile. Elles renforcent les accès du logement mais les personnes les plus anxieuses s’enferment à clé. Une patiente, vivant seule, se cloîtrait depuis l’effraction de sa maison ; elle verrouillait la porte et baissait les volets du rez-de-chaussée y compris en pleine journée.

Si les victimes craignent de laisser leur habitation sans surveillance, elles redoutent également d’y revenir après s’être absentées par peur de tomber nez-à-nez avec des voleurs. Elles n’osent plus y rester ou y dormir seules et il n’est pas rare qu’elles quittent leur domicile pour loger quelques nuits chez des amis ou à l’hôtel.

Dans les cas extrêmes ou lorsqu’un logement a été visité à plusieurs reprises, certaines familles décident de déménager.



Dans un article à suivre, nous expliciterons les autres manifestations possibles d’un traumatisme psychique (hypervigilance, pensées négatives persistantes, etc.) et nous donnerons quelques conseils afin de retrouver progressivement un sentiment de sécurité.



Evelyne JOSSE

Psychologue, psychothérapeute

Auteur du site résilience-psy.com



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