Les repentis en Belgique

Depuis une loi du 22 juillet 2018, il est possible pour un infracteur d’obtenir une réduction de la peine en dénonçant un complice. Quels sont les conditions et les types de promesses de ce dispositif de collaboration avec la justice ?

© Steve Closset

Les conditions



Présenté par le législateur comme indispensable dans « la guerre au terrorisme », le mécanisme permet de dénoncer des faits ou des personnes dans des affaires qui sortent du champ du terrorisme et même de celui de la criminalité organisée. Cela peut paraitre étonnant mais pour déterminer le champ d’application du mécanisme des repentis, le législateur a fait un « copier-coller » du champ d’application du mécanisme des écoutes téléphoniques. Par exemple, on peut bénéficier d’une réduction de la peine si on dénonce quelqu’un qui a produit de la fausse monnaie, qui est l’auteur d’un harcèlement, d’un faux en informatique, d’une corruption de fonctionnaires…





Le champ d’application est donc très large. Cependant, le législateur a prévu qu’il ne peut être fait usage de la collaboration que dans des situations pour lesquelles les poursuites pénales sont véritablement impossibles sans la collaboration de repentis. Enfin, précisons que la collaboration n’est possible que si les infractions commises par le candidat-repenti ne sont pas plus graves que celles commises par la personne dénoncée.

 

 

 

Les types de promesses



Le droit des repentis suppose une négociation ; le magistrat du ministère public promet une récompense en échange d’une collaboration. Le législateur autorise le magistrat à faire trois types de promesses.



La première concerne l’action publique ; une personne qui collabore pourra se voir promettre une réduction de la peine qui sera prononcée. La deuxième promesse concerne l’exécution de la peine. Le ministère public peut promettre au condamné prêt à collaborer de rendre un avis favorable pour une libération conditionnelle ou à un bracelet électronique. Cet avis favorable pourra influencer la décision du tribunal de l’application des peines. La troisième et dernière promesse concerne le lieu de détention. Le ministère public peut promettre le placement ou le transfèrement du collaborateur dans un établissement pénitentiaire souhaité par ce dernier.





Dans cette négociation avec le candidat-repenti et son avocat, le législateur donne quelques consignes au magistrat du ministère public. Ainsi, pour déterminer l’importance de la réduction de la peine, le magistrat doit tenir compte de trois critères. Le premier critère est la gravité des faits commis par le candidat-repenti : plus ces faits sont graves, plus la réduction de la peine doit être limitée. Le deuxième critère est la gravité des faits dénoncés : plus ces faits sont graves, plus la réduction de la peine peut être élevée. Enfin, le magistrat doit tenir compte de la gravité des conséquences possibles des faits dénoncés : plus les conséquences des faits dénoncés sont graves, plus la réduction de la peine peut être élevée.

 

 

 

La contrepartie de la promesse : faire des déclarations



La principale obligation pour le repenti est de faire des déclarations. Le collaborateur doit fournir des informations « à charge ». Les informations qui permettraient de disculper une personne ou de contribuer à clôturer une fausse piste de l’enquête ne sont pas récompensées.



La loi exige que ces déclarations portent sur des informations « substantielles » c’est-à-dire utiles et pertinentes, « révélatrices » c’est-à-dire pas encore connues ou confirmées par le ministère public, « sincères » c’est-à-dire conformes à la vérité et « complètes ». Si ces quatre exigences ne sont pas rencontrées, la promesse du ministère public pourrait être révoquée.





La récompense possible d’une collaboration peut introduire une forme de pression sur les infracteurs à faire des déclarations. En effet, faire entendre à un infracteur que, s’il fait des déclarations il sera condamné à trois ans de prison, mais que s’il ne collabore pas, il pourrait être condamné à neuf ans de prison, peut créer chez celui-ci le sentiment que les « six années supplémentaires » ne viennent pas sanctionner son infraction mais bien son refus de collaborer. À l’inverse, le risque de représailles en cas de dénonciation, même s’il peut être réduit par des mesures de protection du collaborateur et de sa famille, peut constituer un frein à la collaboration. En effet, la loi interdit fort logiquement l’anonymat du collaborateur, et ce pour permettre à la personne qui fait l’objet de la dénonciation de se défendre dans le cadre d‘un débat contradictoire.

 

 

 

Les mesures de protection du repenti



Puisque le repenti ne peut pas faire des déclarations anonymement, il est possible qu’il s’expose à des représailles. C’est pourquoi des mesures de protection du repenti et de sa famille peuvent être octroyées par la Commission de protection des témoins. Le repenti peut par exemple bénéficier d’une assistance psychologique, d’aides financières, d’une protection physique rapprochée, d’une relocalisation, d’un changement d’identité…





En conclusion, si le dispositif de la collaboration peut être mieux balisé, il n’en reste pas moins, selon de nombreux professionnels, utile, voire indispensable. Il a donné des résultats intéressants en Italie en permettant de démanteler des mafias. Certains détracteurs indiquent qu’en se basant sur la trahison, la collaboration est peu morale (le repenti est une « balance »). Par ailleurs, les déclarations seraient peu fiables puisqu’elles sont intéressées. Les déclarations risquent alors d’être mensongères ou, à tout le moins, influencées par ce que le collaborateur pense que les acteurs judiciaires souhaitent lui entendre dire…





Pour de plus amples informations sur le sujet, voyez ci-dessous un livre récent consacré à cette thématique.







Thibaut SLINGENEYER

Licencié en droit, Docteur en criminologie

Professeur à l’Université Catholique de Louvain et à Saint-Louis – Bruxelles

 



Source :



Thibaut SLINGENEYER, Les collaborateurs de justice. Collaborer avec la justice en échange d'une récompense de nature pénale, Bruxelles, Politeia, 2020, 66 p. (Collection Cahiers du GEPS).



Disponible sur :

https://www.politeia.be/fr/publications/250698-les+collaborateurs+de+justice

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