Les reconnaissances frauduleuses d’enfant

Dorénavant, l’officier de l’état civil peut contrôler et refuser d’acter une reconnaissance d’enfant qui ne vise qu’à obtenir un avantage en matière de séjour pour le demandeur, l’enfant ou pour le parent consentant qui est en séjour précaire.



La loi du 19 septembre 2017 sur les reconnaissances d’enfant frauduleuses constitue une petite révolution en matière de lutte contre les migrations familiales frauduleuses.

Elle introduit un cadre clair - l’article 330/1 du Code civil - pour permettre à l’officier de l’état civil de refuser d’acter des reconnaissances d’enfant qui lui paraissent sollicitées dans l’unique but d’obtenir un titre de séjour en Belgique, pouvoir dont il ne disposait pas auparavant étant obligé de l’acter si le consentement de l’autre parent était donné.

Cette loi a uniquement été « recalée » par la Cour Constitutionnelle quant à l’absence de recours judiciaire contre une décision de refus de reconnaissance de paternité ou de co-maternité. Une loi réparatrice a été votée le 31 juillet 2020 en réponse à l’arrêt de la Cour du 7 mai 2020. Le recours contre une décision de refus est donc bien effectif depuis cette date pour les parents déboutés, à introduire devant le Tribunal de la famille.

© Steve Closset

Les conditions légales

Pour le législateur, une reconnaissance d’enfant peut être considérée comme frauduleuse si les circonstances montrent que l’intention de l’auteur vise manifestement à obtenir uniquement un avantage en matière de séjour, lié à l’établissement d’un lien de filiation, pour lui-même, pour l’enfant ou pour la personne qui doit donner son consentement préalable à la reconnaissance.

Les reconnaissances concernées sont dès lors :

  • La reconnaissance d’un enfant étranger (dont la mère est en séjour précaire ou illégal) par un Belge ou un étranger titulaire d’un titre de séjour illimité sur le territoire ;
  • La reconnaissance d’un enfant belge par un auteur en séjour précaire, voire illégal

L’avantage au séjour est ouvert en fonction de la nationalité qui sera attribuée à l’enfant.





L’établissement d’un lien de filiation entre un enfant et un parent belge ou titulaire d’un titre de séjour illimité en Belgique entraîne l’acquisition de la nationalité belge pour l’enfant et permet ainsi l’octroi d’un titre de séjour pour l’autre parent en séjour précaire (souvent la maman).

Tout comme en matière de mariage et de cohabitation légale, il ne faut pas faire de généralités et suspecter toutes les demandes de personnes en séjour précaire.

Il est important de rappeler qu’auparavant, les enfants pour lesquels un seul lien de filiation était établi pouvaient très facilement être reconnus par acte établi devant l’officier de l’état civil ou devant un notaire (ce qui n’existe plus) sur base du seul consentement du parent à l’égard duquel le lien de filiation est déjà établi, sans aucune autre forme de contrôle. 



Quand peut-il s’agir d’une reconnaissance frauduleuse ?

La circulaire du 21 mars 2018 établit une liste des facteurs qui, combinés, peuvent constituer une indication sérieuse qu’il s’agit d’une reconnaissance frauduleuse :

  • Le déclarant a reconnu un grand nombre d’enfants chez plusieurs partenaires (que cela ait des conséquences en matière de séjour ou pas) ;

     
  • Le déclarant et le parent à l’égard duquel la filiation est établie ne se sont jamais rencontrés avant la déclaration de reconnaissance ;

     
  • Le déclarant et le parent à l’égard duquel la filiation est établie ne connaissent pas leur nom ou leur nationalité respectifs ;

     
  • Le déclarant et le parent à l’égard duquel la filiation est établie n’ont pas eu de relation affective et n’ont pas constitué une famille ou du moins résidé à la même adresse ;

     
  • Il n’y a aucune chance que le déclarant soit le père biologique sur base de l’attestation de grossesse.

    Ce dernier critère est contestable car le lien biologique n’est pas obligatoire pour reconnaître un enfant. De même, ce n’est pas parce que le lien biologique est établi que la reconnaissance n’est pas susceptible de refus sur base de son caractère frauduleux. La Cour Constitutionnelle a déjà jugé en ce sens.

     
  • Le déclarant ou le parent à l’égard duquel la filiation est établie ignore l’endroit où l’autre travaille ;

     
  • Il y a une divergence manifeste entre les déclarations sur les circonstances de la rencontre et/ou de la relation ;

     
  • Une des parties se trouve dans une position sociale précaire (p.ex. une mère isolée, etc.) ;

     
  • Le déclarant est marié ou vit avec une autre personne que le parent à l’égard duquel la filiation est établie ;

     
  • Une somme d’argent ou d’autres valeurs sont promises pour faire la reconnaissance ou donner son consentement préalable à la reconnaissance ;

     
  • La reconnaissance semble revêtir un caractère organisé (p. ex. l’intervention d’un intermédiaire, etc.) ;

     
  • Le déclarant ou le parent à l’égard duquel la filiation est établie a déjà fait une ou plusieurs tentatives de mariage de complaisance ou de cohabitation légale de complaisance ;

     
  • Le déclarant ou le parent à l’égard duquel la filiation est établie a déjà tenté de faire acter une reconnaissance frauduleuse à une ou plusieurs reprises ;

     
  • Le déclarant ou le parent à l’égard duquel la filiation est établie a échoué dans toutes ses tentatives légales de s’établir en Belgique ;

     
  • Une grande ou une trop petite différence d’âge entre le déclarant et l’enfant ;

     
  • Une grande différence d’âge entre le déclarant et le parent à l’égard duquel la filiation est établie.



Ces critères permettent alors à l’officier de l’état civil de rendre une décision de refus de reconnaissance.

Ils sont très semblables à ceux repris dans la Circulaire du 6 septembre 2013 concernant les mariages et les cohabitations légales de complaisance. 

 

Recours possible

Une décision de refus de reconnaissance est susceptible d’un recours devant le Tribunal de la Famille dans le mois de sa notification par courrier recommandé aux parties. 





Lire aussi :

Les relations de complaisance, Valérie Saint-Ghislain, Lydia Matassi, Gyparakis Argyro, Edition 2021, Vanden Broele, 445 pages avec le lien :

https://catalogue.vandenbroele.be/fondscatalogus/275.aspx?pageID=30050609124857Z

 

Valérie SAINT-GHISLAIN

Avocat au Barreau de Mons





Source :



Loi du 19 septembre 2017 modifiant le Code civil, le Code judiciaire, la loi du 15 décembre 1980 sur l’accès au territoire, le séjour, l’établissement et l’éloignement des étrangers et le Code consulaire, en vue de lutter contre la reconnaissance frauduleuse et comportant diverses dispositions en matière de recherche de paternité, de maternité et de comaternité, ainsi qu’en matière de mariage de complaisance et de cohabitation légale de complaisance, , M.B., 4 octobre 2017 et entrée en vigueur le 1er avril 2018,

http://www.ejustice.just.fgov.be/cgi_loi/change_lg.pl?language=fr&la=F&table_name=loi&cn=2017091906

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