Les présomptions de légitime défense

On le sait, la légitime défense ne peut être invoquée que dans des conditions strictes. Mais la personne qui se défend est en outre présumée avoir agi en état de légitime défense lors de deux circonstances particulières. De quoi s’agit-il ?   



Lors d’un précédent article, nous avons pu examiner les conditions générales d’application de la légitime défense de l’article 416 du Code pénal. La légitime défense ne peut être invoquée qu’en cas de défense proportionnée à une agression actuelle ou imminente, injuste et contre les personnes, en l’absence de tout autre moyen raisonnable de protection.

Il arrive toutefois que, dans certains cas, le législateur présume que la personne a agi en état de légitime défense, eu égard aux circonstances particulières de la cause, alors qu’elle ne remplit pas a priori les conditions de base pour pouvoir l’invoquer…

Ainsi, une riposte disproportionnée à l’agression ou en réponse à une agression contre les biens (et non contre les personnes) pourrait, contre toute attente, être couverte par la légitime défense par le biais d’une des deux présomptions établies par le législateur.



Ces présomptions de légitime défense répondent à des conditions qui leur sont propres et elles ne s’appliquent que dans des hypothèses strictement déterminées par la loi.

© Belgian Federal police

Se défendre la nuit, après escalade ou effraction de l’habitation par l’agresseur



L’article 417, alinéa 2 du Code pénal instaure une première présomption de légitime défense moyennant le respect de différentes conditions de temps et de lieu : Est présumée avoir agi en état de légitime défense la personne qui repousse, pendant la nuit, un agresseur ayant franchi par escalade ou effraction les clôtures, murs ou entrées d’une maison ou d’un appartement ou de leurs dépendances.



Mais un hangar est-il une dépendance ? Quand commence et s’arrête la nuit ? Le juge appréciera ces différents éléments de fait, non définis par la loi, en se référant aux circonstances concrètes de la cause. Ainsi, par exemple, un crépuscule pourrait être qualifié de "nuit" au vu du mauvais éclairage des lieux, de la saison d’hiver, etc.



Une fois ces conditions remplies, la personne est présumée avoir agi en état de légitime défense. Il est toutefois possible de démontrer l’inverse en établissant qu’elle n’a pas pu croire à un réel danger pour sa personne ou autrui, que ce soit comme but direct, ou indirect en cas de résistance, de l’agresseur.





Légitime défense en réponse à un vol avec violences



L’article 417, alinéa 3 du Code pénal instaure une seconde présomption de légitime défense lorsque la personne se défend contre des auteurs de pillage ou de vol avec violences.



Si la notion de pillage est actuellement tombée en désuétude, cette présomption continue à trouver application dans tous les cas de vols avec violences contre les personnes, tels qu’un hold-up avec prise d’otage ou encore une extorsion.



Contrairement à la première présomption évoquée, cette seconde présomption de légitime défense ne peut être renversée. Cela n’équivaut toutefois en aucun cas à une autorisation de poursuivre l’acte de défense contre l’agresseur alors que tout danger a disparu.





Inapplicabilité des présomptions de légitime défense



Lorsqu’il est impossible d’invoquer l’une des présomptions de légitime défense, faute d’en remplir les conditions, ou que la présomption a été renversée, la personne agressée ne se trouve pas pour autant démunie.



Selon les circonstances, il lui est encore permis de soulever le principe général de la légitime défense de l’article 416 du Code pénal ou encore d’autres arguments juridiques, tels la contrainte, l’état de nécessité ou encore la provocation dans le cadre de l’exercice de sa défense en justice, en vue d’obtenir un acquittement ou une diminution de peine. Encore faut-il en remplir les conditions…





Article précédent : La légitime défense ou le droit de tout citoyen de se protéger





Marie FORTHOMME

Substitut du Procureur du Roi près le TPI de Liège



Source : 

http://www.ejustice.just.fgov.be/cgi_loi/change_lg.pl?language=fr&la=F&cn=1867060801&table_name=loi



Lire aussi :

La légitime défense : jusqu’où peut-elle aller ?

http://www.questions-justice.be/spip.php?article369

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