Le secret professionnel : peut-on y déroger ?

Certaines catégories de personnes sont soumises au secret professionnel dont la divulgation à des tiers peut être sanctionnée. Qui est concerné ? Quelles sont la motivation et l’étendue de cette obligation ? Souffre-t-elle des exceptions ? 

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Le secret professionnel et sa raison d'être

 

La loi ne définit pas la notion de secret professionnel. Celle-ci repose toutefois sur le principe plus général de protection de la vie privée ; il convient d’établir une relation de confiance entre le professionnel et la personne qui lui confie ce qui doit être secret, sous peine d’altérer gravement le lien qui s'est noué entre eux. En effet, comment peut-on plus avant faire confiance au prêtre qui révèlerait le secret de notre confession ou au notaire qui divulguerait l'état de nos avoirs et de nos affaires familiales ?  



On comprendra encore que la divulgation de secrets peut avoir d’autres conséquences préjudiciables comme celle de réduire à néant une enquête judiciaire en informant prématurément des suspects ou encore de faire peser un danger grave sur un informateur anonyme dont l’identité serait communiquée.  

 

 

Les personnes assujetties au secret professionnel

 

L’article 458 du Code pénal énumère expressément certains professionnels qui sont explicitement soumis au secret professionnel, soit les médecins, les chirurgiens, les officiers de santé, les pharmaciens et les sages-femmes. Le secret couvre toutes les données qu’ils ont apprises, constatées ou découvertes dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de la profession.



Ensuite, cet article du code pénal ouvre son champ d’application en visant de manière plus générale toutes autres personnes dépositaires de secrets qu’on leur confie par état ou profession. A titre d’exemple, il peut s’agir des policiers, des avocats, des assistants sociaux, des experts judiciaires, des greffiers, etc. Cette obligation peut être explicitement prévue par une disposition légale ou découler de la nature des fonctions exercées.  



 

Les exceptions : quand le dépositaire peut-il rompre le secret ?

 

Les exceptions émises par l’article 458 du Code pénal concernent, d’une part, les cas de témoignages en justice et, d’autre part, celles qui sont expressément prévues par la loi.

 

L'exception du témoignage 



Il s’agit des cas où les personnes soumises au secret professionnel témoignent en justice ou devant une commission parlementaire.





Les exceptions prévues par la loi 





1. La protection pénale des mineurs et des personnes vulnérables



Tantôt la loi autorise à rompre le secret et tantôt elle l’impose.





Les dépositaires de ces secrets peuvent en informer le procureur du Roi aux trois conditions cumulatives suivantes :

 

  • Il doit s’agir d’une infraction visée par la loi (art. 458 bis du C.pén.) : voyeurisme, attentat à la pudeur, viol, infractions en matière de pédopornographie, infanticide, mutilations, etc. ;

     
  • La victime doit être un mineur ou une personne vulnérable comme précisé par la loi ;

     
  • Il faut qu’il existe un danger grave ou imminent pour l’intégrité physique ou mentale de la victime ou qu’il y ait des indices d’un danger sérieux et réel que d’autres victimes subissent les mêmes infractions, et que ces dépositaires du secret ne soient pas en mesure, seuls ou avec l’aide d’un tiers, de la protéger.



En l’occurrence, la révélation du secret permettra de porter assistance à une personne en danger quand il n’est pas possible de le faire autrement. Dans ce cas, deux valeurs sont mises en balance : le secret professionnel et l’intégrité des personnes en danger. 





Par ailleurs, la loi impose de briser le secret professionnel dans une série d’hypothèses. Par exemple un médecin devra informer l’officier de l’état-civil d’une naissance.



 

2. La lutte contre la grande criminalité



Dans plusieurs affaires criminelles importantes, tout particulièrement en matière de terrorisme, il est apparu que différents professionnels (exemples, assistants sociaux) pouvaient détenir des informations utiles à la justice sans pouvoir légalement les communiquer. La loi a donc prévu de pouvoir les partager dans le cadre d’une concertation spécifique. 



En d’autres termes, une personne qui, par état ou profession, est dépositaire de secrets, pourra les communiquer dans le cadre d’une concertation organisée soit par ou en vertu d’une loi, d’un décret ou d’une ordonnance, soit moyennant une autorisation motivée du procureur du Roi (Article 458ter du Code pénal).



Mais il existe une réserve importante : ces concertations pourront exclusivement être organisées soit pour protéger l’intégrité physique et psychique de personnes, soit en vue de prévenir des infractions terroristes ou des délits commis dans le cadre d’une organisation criminelle.

 

Quoi qu’il en soit, ces exceptions sont toutes guidées par un intérêt jugé supérieur par rapport au devoir de confidentialité auxquels sont tenus ces professionnels.

 

 

La répression de l’infraction

 

Le secret professionnel engage la responsabilité de celui qui le révèle sous trois formes : pénale, civile et disciplinaire[1] [2].



Les personnes précitées peuvent être sanctionnées si elles révèlent volontairement des informations apprises lors de l'exercice des fonctions ou de la profession, sachant qu’elles ont été confiées sous le sceau du secret, par n’importe quel canal – oralement ou par écrit - et même à une seule personne. La raison de la divulgation n’a pas d’importance.



L’incrimination couvre aussi le fait de confirmer des secrets qui ont déjà fuité ou de dévoiler publiquement des détails inconnus d’une affaire médiatisée.  



Toutefois, la violation du secret professionnel n’est pas punissable si elle a été commise par inadvertance ou par imprudence.  

 

Il convient de rappeler que les parquets sont généralement très sensibles au respect du secret professionnel et qu’ils n’hésitent pas à renvoyer devant le tribunal ceux qui le divulguent. Pour rappel, ces personnes risquent non seulement une peine d’amende et/ou d’emprisonnement mais elles s’exposent également à une éventuelle action civile de la part de ceux qui se sentent lésés par les révélations ainsi qu’à une sanction disciplinaire de l’ordre professionnel dont elles relèvent.

  



Claude BOTTAMEDI

Chef de Corps d’une zone de police er

 

 

[1] M. PARISSE et V. VERBRUGGEN, Secret professionnel et vie privée : les traitements de données à caractère personnel (relatives à la santé) couvertes par le secret professionnel, Revue du droit des technologies de l’information n° du 16/05/2006, pp. 15 à 68.

 

[2] T. Moreau, « Chapitre XXV - La violation du secret professionnel » in Bosly, H. et De Valkeneer, Ch. (dir.), Les infractions – Volume 5, 1ère édition, Bruxelles, Larcier, 2012, p. 688.



 

Sources :

Article 458 à 459 du code pénal sur :



https://www.ejustice.just.fgov.be/cgi_loi/change_lg_2.pl?language=fr&nm=1867060850&la=F



http://questions-justice.be/spip.php?article312

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