Le rôle de l’expert psychiatre en matière pénale

En Belgique, les experts psychiatres sont régulièrement sollicités afin de réaliser un rapport d’expertise médico-légal destiné à éclairer les magistrats dans le processus de décision judiciaire. Qui sont-ils ? Comment se passe l’expertise ?

© Steve Closset

Qui est cet expert ? 

Pour accéder à ce titre, le candidat devra répondre à une série de conditions : être agréé comme médecin spécialiste en psychiatrie, suivre une formation spécifique en psychiatrie médico-légale, etc. Il doit en somme disposer d’un bagage théorique et pratique. Notons aussi qu’il devra être enregistré au registre national des experts judiciaires.

Quelles sont ses missions ?

La psychiatrie médico-légale vise autant la réalisation d’examens d’expertise qui servent de preuve en matière civile et pénale que le diagnostic et le traitement de personnes atteintes d'un trouble mental qui se trouvent confrontées à la justice. Elle inclut aussi l’examen d'expertise de victimes d'un délit.

Précisons qu’elle peut avoir lieu au cours du procès pénal mais elle sera demandée plus souvent en amont en fonction de la nature de l’infraction (homicide, incendie volontaire, etc.).

Requis par une autorité judiciaire, la question la plus complexe à laquelle l’expert sera confronté est celle de la responsabilité de l’auteur d’une infraction, au moment des faits et de l’expertise. Son expertise est aussi lourde de conséquences car « Il n'y a pas d'infraction lorsque l'accusé ou le prévenu était atteint, au moment des faits, d'un trouble mental qui a aboli sa capacité de discernement ou de contrôle de ses actes… » (art. 71 Code pénal.). En somme, il devra vérifier s'il existe une possibilité de lien causal entre le trouble mental et les faits.

Il lui sera aussi demandé, selon le cas :

  • si, du fait du trouble mental, éventuellement conjugué à d'autres facteurs de risque, la personne risque de commettre de nouvelles infractions (risque de récidive) ;
  • si, le cas échéant, la personne peut être traitée, suivie, soignée et de quelle manière, en vue de sa réinsertion dans la société ;
  • s’il est nécessaire d'imposer une guidance ou un traitement spécialisé ;
  • de préciser la personnalité de l’auteur, etc.

Notons enfin que la loi rend l’expertise psychiatrique obligatoire avant toute décision d’internement. 

Comment procède-t-il ?

La matière alimentant son rapport est recueillie en soumettant le sujet à des tests psychométriques - souvent par un psychologue - et en procédant à une évaluation standardisée. L’entretien clinique reste l’élément majeur du dispositif. L’expert s’informe aussi auprès du médecin traitant (voire le psychiatre) du sujet et il consulte le dossier pénal. Sur décision du magistrat, il procède seul ou de manière collégiale afin de multiplier les points de vue.

Il rédige ensuite un rapport préliminaire soumis à la personne concernée, à son avocat et au magistrat requérant. Dans une logique de contradiction, l’avocat et la personne concernée peuvent critiquer le rapport et poser des questions auxquelles il sera répondu avant la rédaction du rapport définitif remis aux mêmes destinataires. La structure de ce rapport doit répondre à un modèle fixé par la loi. Il s’agit d’un canevas d’expertise psychiatrique destiné à améliorer la qualité des expertises au pénal.

La personne qui fait l'objet d'une expertise psychiatrique médico-légale peut se faire assister par une personne de confiance ou par un avocat et elle peut communiquer par écrit toutes les informations utiles pour l'expertise que lui fournit le médecin ou le psychologue de son choix.



L’internement

Les juridictions d'instruction et de jugement - sauf en matière de délit/crime politique ou de presse - peuvent ordonner l'internement d'une personne qui a commis un crime ou délit punissable d'une peine d'emprisonnement, atteinte d'un trouble mental qui abolit ou altère gravement sa capacité de discernement ou de contrôle de ses actes, et pour laquelle le danger existe qu'elle commette de nouvelles infractions en raison de son trouble mental, éventuellement combiné avec d'autres facteurs de risque. La décision est prise après une expertise psychiatrique médico-légale ou après l'actualisation d'une expertise antérieure.

Quelques critiques envers l’expertise

Pour nécessaires que soient ces expertises, elles n’échappent pas aux critiques, justifiées ou non, que l’on peut résumer comme suit :

  • l’expert se limite souvent à un seul entretien avec la personne concernée ;
  • alors que son rapport doit se limiter à éclairer le magistrat, il déterminerait parfois exagérément les décisions de ce dernier ;
  • lorsqu’un collège d’experts est désigné, le rapport correspond parfois à une juxtaposition d’éléments plutôt qu’à un avis consensuel, ce qui complique sa lecture. Entre collègues psychiatres, la collaboration peut parfois laisser place à la concurrence ou à la confrontation vu notamment la diversité des « écoles », etc.

D’aucuns considèrent aussi que, mobilisant le principe de précaution, la justice aurait trop tendance à faire appel à ce type d’expertise. Actuellement, on constate également que le nombre d’experts judiciaires en psychiatrie médico-légale est insuffisant au regard du volume d’expertises sollicitées par la justice. 



Claude BOTTAMEDI

Chef de corps d’une zone de police er

Sources :

V. Synthèse et enjeux : réflexions conclusives sur l’expertise et le soin en défense sociale In : Soigner ou punir ? Un regard empirique sur la défense sociale en Belgique [en ligne]. Bruxelles : Presses de l’Université Saint-Louis, 2010 (généré le 10 juillet 2023). ISBN : 9782802804192. DOI :

https://doi.org/10.4000/books.pusl.3642.

Rapport d’expertise psychiatrique médicolégal (M.B. 12.10.2018), sur : https://www.crds.be/wp-content/uploads/2021/01/Canevas-expertise8679.pdf  

28 OCTOBRE 2015. - Arrêté ministériel fixant les critères spéciaux d'agrément des médecins spécialistes porteurs du titre professionnel particulier en psychiatrie médico-légale, ainsi que des maîtres de stage et des services de stage, sur :

https://etaamb.openjustice.be/fr/arrete-ministeriel-du-28-octobre-2015_n2015024254.html

À la rencontre d’un expert-psychiatre, Questions-Justice.be, 27 juin 2023, sur : https://www.questions-justice.be/spip.php?article664

®https://www.secunews.be/fr

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