La ’Ndrangheta : naissance et histoire d’une mafia redoutable

De la légende à la naissance d’une mafia …



Le mythe de la création de la ‘Ndrangheta, devenue une des plus importantes organisations criminelles au monde, puise ses racines dans l’histoire de 3 frères, chevaliers de Tolède, qui, après avoir vengé par le sang l’honneur bafoué de leur sœur, fuient l’Espagne de l’Inquisition au début du 15ème siècle et se réfugient sur une île au large de la Sicile. Après avoir vécu isolés quasiment 30 ans, les 3 frères se séparent : l’un rejoint la Sicile pour y créer Cosa Nostra, le second fonde la Camorra à Naples, le troisième érige la ’Ndrangheta en Calabre.



Cette légende, en plus de tisser une parenté entre les 3 grandes mafias italiennes, a surtout pour but d’associer la ‘Ndrangheta aux idéaux de courage et d’honneur et de sous-entendre que les mafias sont pluriséculaires et donc quasiment indestructibles …



Plus sûrement, la ‘Ndrangheta viendrait d’une société secrète de type maçonnique apparue au 17ème siècle. Dès le début, l’organisation se situe donc au cœur de la société, et non en opposition. Peu à peu, le groupe va glisser vers des activités illégales, au moment même (milieu du 19ème siècle) où le banditisme, très présent en Calabre, s’effondre. Ce brigandage est remplacé par des activités certes primaires mais qui nécessitent une certaine organisation : vol de bétail, expropriation forcée, contrebande, racket sur les productions d’agrumes et d’olives,…



En 1861, le Préfet de Reggio de Calabre évoque les activités de camorristes. En 1869, les élections de cette ville sont annulées pour cause de pressions mafieuses sur les candidats et les électeurs. Des décisions judiciaires impliquent à partir de 1877 des mafieux, une secte qui n’a peur de rien, des picciotteria,… Des maxi-procès ont lieu ensuite un peu partout en Calabre sans qu’il soit fait mention du mot ‘Ndrangheta. Lors d’un procès en 1928, l’expression Famiglia Montalbano est utilisée pour la première fois et reste populaire jusqu’aux années 60. Ce n’est qu’en 1948 que le terme ‘Ndrangheta apparaît dans une revue, puis dans le quotidien Corriere della Sera en 1955 pour s’imposer progressivement depuis lors.





Des règles écrites



Contrairement à sa «cousine» sicilienne, le fonctionnement de la ‘Ndrangheta repose sur des textes écrits, tenus secrets évidemment, sortes de «règlements intérieurs» évoquant notamment les droits et les devoirs des membres. Les premiers textes découverts en 1888, 1896 et 1902 révèlent notamment que les homosexuels, les policiers et membres de l’administration pénitentiaire, les hommes de couleur et les maris trompés ne peuvent pas faire partie de l’organisation. Les plus récents ont été mis à jour entre 1971 et 2013.





Jusqu’en 1990, une mafia « barbare » : le business des enlèvements



La réputation de la ‘Ndrangheta a dépassé les frontières de la Calabre au cours des années 70. C’est l’époque de la «mode» des enlèvements, spécialité des bandits sardes et des mafieux calabrais, il y en aura près de 150 en tout. Dont le plus connu : celui de John Paul Getty III, fils du milliardaire américain, séquestré pendant 5 mois en 1973, avec amputation d’un bout d’oreille, et le plus long : celui de Carlo Celadon, enlevé en Vénétie en 1988 et libéré 831 jours plus tard …



Les récits des victimes font à l’époque la célébrité de la ‘Ndrangheta, réputée alors mafia barbare et archaïque. La pratique des enlèvements cesse en 1991 par une décision collective des clans calabrais mais aussi sous la pression d’une nouvelle loi qui permet de geler les biens des familles des personnes enlevées. Contrairement à la mafia sicilienne, la ‘Ndrangheta a (presque) toujours évité la confrontation directe avec les autorités italiennes. 





Dans le prochain article, nous verrons que la ’Ndrangheta est montée depuis lors en puissance pour constituer une organisation criminelle parmi les plus efficaces, de par sa structure très hiérarchisée, notamment.

Stéphane QUERE

Criminologue, Animateur du site de veille sur le crime organisé crimorg.com

 

Source :

Europol, Italian Organised crime, Threat assessment, 2013 

https://www.europol.europa.eu/sites/default/files/documents/italian_organised_crime_threat_assessment_0.pdf

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