Entretien efficace : faire preuve d'empathie !

Tout professionnel en situation d'intervention ou de relation d'aide est amené à bien communiquer, ce qui suppose une attitude d'empathie, pas toujours facile à mettre en oeuvre. C'est la pierre angulaire de tout entretien. 

 

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Avoir de l’empathie ? Que veut-on dire exactement ?

L'empathie désigne la compétence cognitive d'un individu à percevoir et à comprendre les sentiments, les émotions et les ressentis d'une autre personne, en se projetant à sa place, mais sans nécessairement les ressentir. Cela ne concerne pas que les gens qui nous sont proches, mais aussi les personnes qui nous sont étrangères.

Avoir de l’empathie nécessite un contrôle de ses propres réactions socioaffectives afin de se rendre disponible à l'autre, pour s'immerger dans son monde subjectif, voir la situation avec ses yeux, ressentir ce qu'il ressent, afin de comprendre non seulement les choses superficielles, mais aussi d'accéder à des significations plus profondes. Cela ne consiste pas pour autant à s'identifier avec lui.

Ne confondons pas empathie et

  • sympathie ou le fait de partager les mêmes sentiments ou émotions sur de nombreux sujets : c'est "avoir des atomes crochus" et cette constatation nous rapproche de l'autre. Il n'y a plus la neutralité que l'on trouve dans l'empathie.
  • compassion : au sens strict du terme, souffrir avec, le fait d'être sensible à la souffrance de l'autre, désir d'atténuer sa souffrance ou de faire disparaître ses causes.

     

L’empathie peut s’exprimer différemment … 

  • l'empathie émotionnelle : c’est une réaction automatique et non intentionnelle. Nous éprouvons généralement un ressenti désagréable, lorsque nous voyons quelqu'un souffrir. Cette réaction est automatique et non intentionnelle. L'empathie émotionnelle est absente chez les psychopathes appelés aussi personnalités antisociales ; il leur est très difficile de ressentir l’état émotionnel d’autrui,

     
  • l'empathie cognitive : il s’agit de la capacité de se représenter les états mentaux d’autrui. Cette aptitude se révèle très tôt chez les enfants. Les bébés parviennent rapidement non seulement à imiter mais aussi à percevoir les intentions d’autrui,

     
  • l'empathie comportementale : il arrive fréquemment qu’au cours d’une conversation entre deux personnes, l’une d’elles imite les gestes et postures de l’autre, sans s’en rendre compte. Ceci est particulièrement fréquent chez les personnes qui entretiennent de bonnes relations entre elles. On parle de mimétisme comportemental ou d'effet caméléon. 



Empathie = Respect de l’autre !

  • respect de la personnalité de l'autre. On évite de lui coller une étiquette, de l'enfermer dans des préjugés chargés de généralisations abusives. Il s'agit de rester neutre et de comprendre sans approuver, sans moraliser, sans condamner. Cela exige un effort de décentration par rapport à soi, pour être réceptif et percevoir l'autre humainement. Cela demande aussi une capacité verbale à communiquer cette compréhension.

     
  • de la vision du monde de l'autre, quelle qu'elle soit, même si on ne la partage pas. C'est souvent une question de contexte culturel au sens étroit ou au sens large. D'une part, la micro-culture d'un groupe ou d'une organisation définit certaines manières d'agir et d'interagir. D'autre part, au sens large, notre expérience quotidienne nous montre les difficultés à communiquer avec un sujet dont la langue maternelle, la religion, l'idéologie politique dont il se réclame, sont différentes des nôtres.

     
  • de ses réactions à notre propre comportement verbal et non verbal. On évite le stress qui naît d'un sentiment d'insécurité. Le stress est communicatif, parasite la communication et met en place des défenses. Parfois cependant, induire une certaine tension chez le sujet sera nécessaire, notamment lors de l’interrogatoire policier d’un suspect.

     
  • de son discours : il s'agit de l'inciter à parler, de le laisser s'exprimer sans l'interrompre ; l'approche non directive est indiquée, du moins au début de l'entretien, pour éviter des blocages. 

 



Dans la pratique, comment l’intervenant doit-il conduire l'entretien ?

  • Mettre l’autre en confiance et maintenir le contact, conditions sine qua non pour lui donner envie de parler. Cela implique une attitude non rigide, un langage non verbal congruant avec le discours, un bon contact oculaire, une gestuelle aisée, une distance physique adéquate, une attention soutenue. Le but n'est pas seulement de suivre ce que l'interlocuteur dit, mais de lui faire savoir qu'il est écouté et qu'on s'intéresse à ce qu'il dit. A cet effet, l'intervenant parle seulement pour encourager le sujet à poursuivre, il ne l'interrompt pas, mais exprime son soutien par le regard ou hochement de tête.

     
  • S'assurer qu'on a bien compris et le montrer à son interlocuteur. Il ne s'agit pas de répéter mot pour mot ce que celui-ci a dit, mais plutôt de reformuler certaines choses ("si je vous ai bien compris..."), clarifier les passages qui paraissent obscurs ou ambigus, faire le point sur ce qui a été dit avant la fin de l'entretien.

     
  • Comprendre la stratégie du sujet ; celui-ci a un statut à assumer, un rôle qu'il entend jouer, un projet personnel. Ce projet ne rencontre pas nécessairement celui de l'intervenant ou aidant mais il doit s'efforcer d'entrer dans le cadre de référence du sujet, afin de mieux comprendre son mode de pensée et ses motivations.

     
  • Saisir l'expression d'ensemble de l'individu : parole, intonations, mimiques, attitudes, postures, gestes, le tout étant indissociable du contexte. Certaines situations sont plus chargées d'émotions que d'autres. Dès lors, entendre les mots n'est pas suffisant. Il faut aussi accepter les sentiments de l'autre, en exprimer sa compréhension, l'aider à gérer ses émotions, l'inciter ainsi à explorer son ressenti et ses pensées afin d'en dire peut-être davantage. On travaille plus sur la relation elle-même que sur son contenu.

     
  • Repérer la dimension latente du discours, les mécanismes de défense et les projections mis en place par le sujet, ses résistances, ses craintes à exprimer certaines choses. Il faut chercher à dépister les éventuels sous-entendus, les messages sous-jacents, cachés volontairement ou non.

     
  • Maîtriser l'image que l’on donne de soi-même au sujet. L'attitude de l'intervenant doit exprimer sa propre confiance en soi, son self-control, ses compétences. 

Tout cela demande de la patience, de l'attention, de la tolérance. Pour ce faire, il faut apprendre à gérer ses propres émotions, s'intéresser davantage aux autres, développer son intuition, accepter les divergences de comportements, d'opinions, apprendre à ressentir ces différences sans jugement de valeur.





Jean-Paul WUYTS

Commissaire divisionnaire er

Licencié en psychologie et criminologie

Sources utiles :

Compétences relationnelles: faire preuve d’empathie

Comment faire preuve d'empathie

Empathy at Work. Developing Skills to Understand Other People

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