Communiquer sur les violences contre les femmes

Dans un guide pratique, l’Association des journalistes professionnels propose des recommandations inspirantes afin de communiquer sur toutes les formes de violences faites aux femmes. Que pouvons-nous en retirer ?

© Patrick Decorte

D’abord en parler

Au grand dam des services d’aide, un des éléments particuliers qui caractérisent les victimes de violences faites aux femmes (Vifs) est leur faible propension à se confier et plus encore à déposer plainte.

Une certaine libération de la parole a suivi la mise en cause de personnalités célèbres et la naissance de mouvements comme « Me Too ». Il ne faut toutefois pas que cela occulte le vécu de citoyennes lambdas, la diversité des formes de violences (sexuelles, physiques, etc.) et l’ampleur du phénomène qui touche tous les milieux (universitaires, religieux, etc.).

Parler des Vifs a donc deux vertus principales. Sur le plan individuel, il s’agit d’inciter les victimes à dénoncer les faits par un effet d’entraînement. Sur le plan collectif, en montrant l’ampleur du phénomène, on peut s’attendre à une prise de conscience non seulement des autorités mais aussi de la société civile.

A titre d’illustration, un service de police peut mettre ce phénomène en exergue en produisant ses statistiques mensuelles ou son bilan annuel. Il peut aussi mentionner les résultats de travaux, de sondages et autres études à condition d’en vérifier préalablement la fiabilité.

 

La façon de communiquer

Une perspective macrosociologique des Vifs montre qu’il ne s’agit pas d’une question individuelle, d’une affaire privée mais d’un problème sociétal lourd car ces faits trouvent également leur origine dans un système de domination sexiste. En outre, les conséquences ne sont pas qu’individuelles.

Pour éclairer le sujet, il est judicieux de mobiliser les savoirs des experts (sociologues, psychologues, juristes…), d’utiliser les termes juridiques exacts (meurtre, assassinat, …) et de mettre en évidence de bonnes pratiques (ex : conditions de l’accueil des victimes)

On rappellera aussi que le langage influence la perception du réel car il n’est pas neutre. Il véhicule nombre de stéréotypes notamment sexistes. Il peut banaliser et tronquer les faits. Ainsi, lorsque l’on parle de « crime passionnel », cela laisse entendre que l’auteur a tué par amour alors que, bien souvent, l’auteur a agi parce qu’il perdait le contrôle sur celle qu’il considérait comme sa propriété. 



Eviter la victimisation secondaire

La manière de communiquer pourra avoir des effets pervers en affectant une seconde fois la victime. Certaines précisions, par exemple vestimentaires, seront de nature à faire penser qu’elle est, au moins partiellement, responsable des faits qu’elle a subis.

Dans cet ordre d’idée, on prohibera des expressions comme « elle s’est fait violer » car en réalité « elle a été violée ».

Il est aussi souvent préjudiciable d’apporter moult détails sur les actes commis car cela sera de nature à dégrader l’image de la victime et à lui rappeler des faits douloureux. Cette forme de sensationnalisme renvoie à du voyeurisme. En effet, il suffit de relater les faits en se limitant à l’essentiel et en les contextualisant.

Bien souvent, identifier formellement une victime n’apporte rien à la communication tandis qu’une anonymisation permettra de la protéger ainsi que son entourage. Outre les risques de stigmatisation, dans certaines situations, elle peut encourir des représailles.

En toute hypothèse, une communication de qualité veillera à respecter la dignité de la victime, ses droits, notamment à la vie privée, et ses souffrances.

 

Informer sur des éléments factuels et pratiques

Dans un souci de sensibilisation, il est opportun de mentionner le nombre de faits enregistrés par la police et leur nature en précisant les limites techniques des statistiques. On rappellera notamment que les victimes ont une tendance faible à déposer plainte.

Par ailleurs, il est aussi intéressant d’informer sur les modalités de la prévention en matière de violences contre les femmes mais aussi sur les services d’aide disponibles : numéros des services de secours, services d’aide aux victimes, numéros verts (écoute et soutien), refuges pour femmes victimes de violences, etc.

Bref, il convient d’informer sur la manière concrète d’être secourue dans les diverses situations de violences (exemple : Centre de prise en charge des violences sexuelles dans les cas d’agressions sexuelles). L’information portera aussi sur les lois (ex : l’incrimination du harcèlement) et les droits des victimes.

Dans ce souci d’informer, il est important de déconstruire l’idée selon laquelle une victime qui ne quitte pas son « bourreau » se complait dans son malheur. Pour cela, on rappellera ce que représente le phénomène d’emprise, le cycle de la violence et la dépendance économique.

Pour en terminer, toutes les institutions qui sont amenées à s’exprimer sur le sujet des violences faites aux femmes, seront bien inspirées de veiller à une communication cohérente et à confier cette tâche à du personnel formé. 





Claude BOTTAMEDI

Chef de corps d’une zone de police er



Source :

« Comment informer sur les violences contre les femmes », Guide pratique, AJP, 2021, sur :

http://www.ajp.be/un-guide-pour-mieux-informer-sur-les-violences-contre-les-femmes/

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