Comment neutraliser les "Marchands de sommeil"

Lutter efficacement contre le marchandage de sommeil exige l’implication et la coordination entre acteurs de première ligne, autorités administratives et judiciaires pour détecter les abus, recueillir les preuves, sanctionner et aider les victimes.  

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Nous avons décrit tout d’abord la dynamique des motivations prédominantes entre propriétaires et locataires puis abordé l’aspect répressif du « marchandage de sommeil ». Le rôle des différents acteurs impliqués dans la lutte contre ces abus de la vulnérabilité d’autrui fait l’objet de ce troisième article.

Sensibiliser et assister sur le plan juridique

Au-delà des victimes, il est essentiel que des citoyens, en collaboration avec des associations et des professionnels de première ligne, soient sensibilisés afin d'être en mesure de signaler de manière systématique les situations abusives aux autorités compétentes, à savoir les services communaux, les autorités policières et judiciaires.

Parallèlement, la mise en place de mesures concrètes d'assistance telles que l'offre d'un soutien juridique grâce à des avocats ou à des organismes de défense des droits humains comme le Centre fédéral Migration Myria et l’asbl Sürya, peut grandement contribuer à aider les victimes à revendiquer leurs droits légitimes. 

Réunir les preuves permettant d’appliquer des sanctions

La tâche de traduire en justice les individus impliqués dans le marchandage de sommeil (conformément à l'article 433decies du Code pénal) est ardue mais les peines associées à cette infraction sont sévères et justifient une lutte sérieuse. Les poursuites judiciaires exigent cependant de rassembler des preuves solides, comme des témoignages, des photographies ou des enregistrements de l'état du logement. Notre dernier article traitera des indices spécifiques à identifier.

Les divers acteurs concernés par cette lutte doivent évaluer et documenter le nombre d'immeubles détenus par les marchands de sommeil, le niveau de précarité des locataires, la dynamique des relations entre propriétaires et locataires, la conformité aux normes de sécurité pour le gaz et l'électricité, la superficie habitable par le nombre d'occupants, les sources de revenus et les moyens de subsistance, le montant du loyer et les modalités de paiement. La prise de photographies et la création de plans détaillés de la propriété peuvent renforcer ces constatations factuelles afin de démontrer l'incompatibilité des conditions de logement avec la dignité humaine et de prouver l'intention du propriétaire de réaliser un bénéfice illégitime.

L'implication du Parquet dans ce processus garantit le suivi régulier des affaires engagées. Dans le but de préserver les biens immobiliers et mobiliers en vue de leur éventuelle confiscation, les tribunaux peuvent ordonner des saisies à la demande d'un juge d'instruction ou du procureur du roi, empêchant ainsi la disparition de preuves cruciales et/ou du patrimoine. Les avantages patrimoniaux obtenus illégalement, tels que les biens acquis grâce à ces activités ou les loyers générés, peuvent également être saisis. Bien que la mise sous scellés soit un moyen supplémentaire envisageable, elle implique malheureusement le délogement des locataires actuels.

Le rôle des autorités administratives

Les règlementations urbanistiques sont édictées aux niveaux régional et fédéral mais les autorités communales peuvent jouer un rôle de régulateur en établissant des contrôles du nombre de logements au sein d'une même habitation, réduisant ainsi les risques. Cette politique exige des inspections régulières ciblant les logements insalubres et surpeuplés afin de détecter les cas problématiques et de mieux garantir le respect des normes minimales de salubrité et de sécurité.

Lorsque l’inspection régionale compétente pour le logement a déterminé qu’un logement était inhabitable, le Bourgmestre confirme l’interdiction par arrêté (1). Lorsqu'un logement est officiellement déclaré inhabitable, les victimes peuvent avoir accès en priorité à des logements sociaux et peuvent également obtenir des aides financières pour le déménagement et le loyer. Mais reloger les locataires est difficile dans les villes où les logements disponibles sont limités. Dans les cas les plus graves de sécurité et de salubrité, les Bourgmestres sont même habilités à ordonner la démolition de la propriété.

En Wallonie, le permis de location s'applique aux petits logements individuels ayant une superficie habitable égale ou inférieure à 28 m², ainsi qu'aux logements collectifs. Cette réglementation vise à garantir le respect des normes de salubrité et de prévention incendie, à protéger l'inviolabilité du domicile et la vie privée des locataires, ainsi qu'à assurer la conformité aux règlements d'urbanisme et à des standards minimaux de confort (tel que le certificat PEB). L'absence d'un tel permis expose les bailleurs à des amendes administratives et peut également entraîner la nullité du contrat de location. Dans ce cas, le locataire a le droit de quitter le logement sans préavis.



(1) Voir : https://www.ejustice.just.fgov.be/mopdf/2012/07/30_1.pdf#Page87



Kevin LIBIOUL

Coordinateur - Centre d’Information et d’Expertise d’Arrondissement

Police Fédérale - DCA Namur 

Lire aussi :

Capelle, Charles. La répression des pratiques des marchands de sommeil : une législation porteuse d'injustices et d'incohérences ? Evolution, analyse et évaluation du régime applicable. Faculté de droit et de criminologie, Université catholique de Louvain, 2015. Prom. : Cesoni, Maria Luisa, sur : https://dial.uclouvain.be/memoire/ucl/fr/object/thesis%3A3545

Insalubrité, en finir avec l'impunité des bailleurs, sur : http://rbdh-bbrow.be/IMG/pdf/RBDH_insalubrite_FR_2022_03_15_web.pdf

®https://www.secunews.be/fr

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