Comment les ports européens sont infiltrés

Les grands ports comme Anvers, Rotterdam ou Hambourg, constituent des voies d’entrée importantes pour des marchandises illicites (drogues, etc.). Leurs vulnérabilités, les modus operandi des réseaux criminels et les recommandations d’Europol.

© Stéphane Peeters

Des infrastructures portuaires vulnérables

Pour bien cerner l’ampleur du problème, prenons l’exemple du port d’Anvers. Sa superficie est d’environ 120 km² (comme environ la ville d’Arlon ou de Mol), ce qui complique le contrôle des accès. Il occupe un millier d’entreprises et offre plus 60.000 emplois directs. Il traite environ 240 millions de tonnes de marchandises et on y décharge près de 12 millions de containers par an.

Au niveau de l’UE, 98 millions de containers ont été déchargés en 2021 dont seulement 2% ont été inspectés.

Selon un communiqué des douanes, en 2022, près de 120 tonnes de cocaïne ont été saisies pour le seul port d’Anvers. A noter que d’autres marchandises illicites dont les contrefaçons y transitent, aussi pour l’expédition (ex : déchets illicites, drogues synthétiques, etc.)

Les facteurs de vulnérabilité sont notamment :

-          Un besoin d’accessibilité aux sites en font des structures ouvertes ;

-          L’ampleur des volumes traités complexifient les contrôles ;

-          Beaucoup de personnes y travaillent ;

-          Un site très grand, occupé 24/7 ;

-          Une cybersécurité défaillante ;

-          Un large accès aux données sensibles (ex : code de référence) ;

-          Des procédures internes à améliorer, etc. 



Les modes opératoires habituels

Notons toutefois qu’avant d’être libéré, un container destiné à l’UE est contrôlé par les douanes, notamment sur la base du « connaissement ». Le plus souvent, il fait l’objet d’une main levée immédiate mais, parfois, il subit un contrôle plus approfondi (physique, scanner...) avant d’être éventuellement remis à l’importateur. Mis rapidement au courant du futur contrôle, des trafiquants parviennent cependant à transférer leur marchandise dans un autre container moins risqué d’être contrôlé (ex : destiné hors UE) ou le container « litigieux » est remplacé par un clone (même code de référence) avant l contrôle.

®Secunews

Ces différents modes opératoires ne sont que des exemples et ils ne sont possibles que si les trafiquants disposent de complicités internes, par exemple des dockers, employés au niveau logistique, grutiers, importateurs, agents de sécurité, douaniers, policiers, etc.

Pour obtenir leur participation, ils utilisent des moyens traditionnels. D’abord, la corruption semble importante au point que les montants versés peuvent représenter un pourcentage de la valeur de la marchandise illicite (jusqu’à 15%). A cette fin, les trafiquants sont aidés par des « coordinateurs locaux » qui contribuent aussi à d’autres activités illicites dans les ports.

Lorsque l’appât du gain n’est pas suffisamment motivant, les trafiquants prennent d’autres mesures : l’intimidation, le chantage ou la violence. Il s’agira, notamment, de menacer les proches de la personne dont ils exigent la collaboration, par exemple en lui indiquant qu’ils savent où ses enfants sont scolarisés. Et si cela est insuffisant, ils usent de violence pour obliger les plus récalcitrants ; violence servant aussi à contrôler les corrompus, à écarter les rivaux et à régler les comptes.

 

Lutter contre ce phénomène



Pour lutter efficacement contre ce phénomène, un partenariat public-privé est indispensable. A ce sujet, on épinglera la collaboration entre les Comités directeurs de la sécurité de plusieurs ports européens et Europol qui a débouché sur un plan pour la lutte contre le trafic de stupéfiants. En outre, le port de Rotterdam et Europol, ont convenu de rédiger un rapport d'analyse conjoint évaluant la menace d'infiltration des infrastructures portuaires par la criminalité organisée.

Une collaboration accrue entre les autorités portuaires et les forces de l’ordre permettra de parfaire l’échange de renseignements tactiques et opérationnels, d'identifier les vulnérabilités des procédures portuaires et de promouvoir/mettre en œuvre des mesures de sécurité pour combler les lacunes. Ce partage d’informations doit aussi être renforcé avec Europol et entre les États membres de l'UE, en ce qui concerne les activités des réseaux criminels dans les ports.

Pratiquement, il conviendrait aussi de limiter l’accès aux systèmes informatiques, notamment aux codes de référence, ce qui a déjà donné de bons résultats dans certains ports, et de créer des systèmes d’alerte pour y détecter des intrusions. Cela passe aussi par le renforcement de la cybersécurité.  

Il serait également indispensable de :

-          renforcer les procédures de dédouanement des conteneurs ;

-          penser les infrastructures en termes de sécurité ;

-          prendre des initiatives réglementaires sur le plan européen pour rationaliser les mesures de sécurité des ports ;

-          envisager des mesures également pour les ports secondaires qui peuvent être visés par effet de déplacement des trafics ;

-          prévenir les tentatives d’infiltration des mafias dans les réseaux logistiques spécialisés.



Claude BOTTAMEDI

Chef de corps d’une zone de police er

Sources :

« Réseaux criminels dans les ports de l’UE : risques et défis pour les services répressifs » Europol, 05 avril 2023, sur :

https://www.europol.europa.eu/publications-events/publications/criminal-networks-in-eu-ports-risks-and-challenges-for-law-enforcement

Site portuaire d’Anvers, Faits et chiffres 2022, sur :

https://media.portofantwerpbruges.com/m/2440df86526cf76e/original/BROCHURE_Cijferboekje-2022-_FR_2022.pdff

®https://www.secunews.be/fr

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