C’est quoi le blanchiment ?

Les activités illicites des organisations criminelles leur procurent des revenus extrêmement importants. Encore faut-il les "blanchir" pour éviter la répression, ce qui les amène à utiliser des techniques de plus en plus sophistiquées.

© Federale Police - Polimagery

Qui sont les blanchisseurs ?

Il convient avant tout de rappeler que le blanchiment d’argent « consiste à dissimuler l’origine de fonds obtenus illégalement afin qu’ils paraissent être issus de sources légitimes. Il n’est souvent qu’une composante d’autres infractions graves (NDR : infractions de base), comme le trafic de stupéfiants, le vol avec violence et l’extorsion. » (Interpol)

Trois types de blanchisseurs sont généralement distingués (Malm et Bichler, 2013) :

  • Les auto-blanchisseurs : ils se chargent eux-mêmes de blanchir les revenus illégaux qu’ils ont obtenus ;
  • Les « blanchisseurs opportunistes » qui agissent pour le compte d’une relation sociale ou d’un proche (ex : utiliser son entreprise pour blanchir les fonds d’un criminel) ;
  • Les « blanchisseurs professionnels », soit des experts (avocats, notaires, comptables, etc.) qui, sans être impliqués dans des infractions de base, sont embauchés pour leur expertise financière. A noter que le qualificatif de professionnel concerne moins la profession que le service rendu (ex : banquier clandestin). Ils interviennent surtout lorsque les sommes en jeu sont très importantes et que des techniques spécifiques sont indispensables.

     

Quels sont les déterminants ? 

La manière dont le blanchisseur va œuvrer dépendra d’une série de facteurs que l’on peut résumer comme suit :

  • La nature de l’infraction de base ;
  • La nature (espèce, cryptomonnaie, …) et l’importance des montants concernés ;
  • Les objectifs de l’organisation criminelle (ex : consommation ou investissement) ;
  • Les dispositifs législatifs (ex : étendue des normes anti-blanchiment).

     

Les méthodes de blanchiment

Schématiquement, le blanchiment suppose trois phases :

  • Le placement : l'argent d'origine criminelle est introduit dans le système financier (virement, dépôt, etc.).
  • L’empilement (layering) : de nombreuses transactions sont effectuées pour dissimuler l'origine des fonds, les rendre intraçables. Exemple : virer de l’argent sur plusieurs comptes dans divers pays, utilisation de sociétés écrans, etc. ;
  • La phase finale ou l’intégration : les fonds sont présentés comme provenant d’activités légales.

Concrètement, les techniques utilisées lors de ces différentes phases sont nombreuses. Les plus remarquables sont les suivantes :

  • Le Trade-based Money Laundering (TBML), qui consiste à exploiter les vulnérabilités du commerce transfrontalier. Il s’agit d’introduire une différence de valeur entre les produits échangés, et le montant payé pour ces produits ; l’écart permettant de blanchir de l’argent sale (falsification des factures, quantité/qualité des marchandises inexactes, création d’intermédiaires fictifs, etc.). Un exemple connu sera la vente de marchandises fictives à une société étrangère qui créditera en retour le compte d’une société belge ;

     
  • Le transport d’argent entre sociétés écrans et comptes offshore avec des procédures de compensation, ce qui opacifie les opérations. Les montants apparemment légitimes sont investis dans différents secteurs dont l’immobilier ;

     
  • L’investissement dans le marché de l’art qui représente un secteur à risque vu : l’importance des flux financiers générés, la variabilité des prix de vente (sur-évaluation ou sous-évaluation possible), les ventes à distance notamment sur un plan international difficilement contrôlables, la possibilité d’utiliser des intermédiaires/des sociétés occultant l’identité de l’acheteur réel, la vulnérabilité de l’art numérique (NFT) ;

       
  • L’utilisation de « mules » transportant des montants plus ou moins importants, notamment vers des pays favorisant le secret bancaire. Ou encore, elles permettent de multiplier de petites transactions en concédant l’utilisation de leur compte bancaire à des criminels pour y déposer l'argent sale, le faire transiter rapidement ou de le retirer immédiatement ;

     
  • Le schtroumpfage » ou « smurfing », soit le fractionnement d’opérations importantes en plusieurs « petites » opérations entre plusieurs opérateurs ou titulaires de compte. Pour réaliser cette opération, il est souvent fait appel à des « mules » ;

     
  • L’utilisation de crypto-monnaies (ex : Bitcoin), plus difficilement traçables ;

     
  • L’utilisation de services bancaires clandestins. A l’aide de systèmes de transfert de valeur informel, des personnes dans différents pays ont la possibilité de transférer de l'argent ou des valeurs sans obligatoirement effectuer des mouvements de fonds ;

     
  • L’amalgame de fonds : injection d’argent sale dans une entreprise légitime (concessionnaire, Horeca, etc.) afin de présenter le tout comme étant des bénéfices légitimes, etc.

Il faut savoir également que les blanchisseurs peuvent fonctionner en réseau, tout particulièrement sur un plan international. Ils peuvent être appuyés par des « facilitateurs », agissant entre malfaiteurs et blanchisseurs.       



Claude BOTTAMEDI

Chef de corps d’une zone de police er

Sources :

Kramer, JA., Blokland, A.A.J., Kleemans, E.R. et coll. Blanchiment d’argent en tant que service : enquête sur le comportement commercial dans les réseaux de blanchiment d’argent aux Pays-Bas. Tendances Organ Crim (2023). https://doi.org/10.1007/s12117-022-09475-w

Malm, A., Bichler, G. Using friends for money: the positional importance of money-laveurs in organized crime. Trends Organ Crim 16, 365–381 (2013).

https://doi.org/10.1007/s12117-013-9205-5

GAFI (2018) Blanchiment d’argent professionnel (numéro de juillet), sur :

https://www.fatf-gafi.org/en/publications.html?hf=10&b=0&q=professional%2520money%2520laundering&s=desc(fatf_releasedate)

®https://www.secunews.be/fr

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