Ce que révèle la Sûreté de l’Etat

Dans son rapport de l’année 2020 publié fin 2021, la Sûreté de l’Etat (VSSE) lève un coin du voile sur ses activités et elle met en évidence les risques liés à la désinformation, au terrorisme et aux organisations extrémistes.

© Christian Tille

Les missions de la VSSE 

Rappelons que la VSSE est un service civil de renseignement et de sécurité belge qui a pour mission de prévenir les risques pour la sécurité du pays en conseillant les autorités politiques, administratives, judiciaires et militaires et en entravant les menaces.

 

Considérations préalables

Le rapport précité insiste sur le fait que des puissances ou groupes « hostiles » utilisent la désinformation de manière croissante. Notamment, selon des techniques éprouvées, des « acteurs étrangers » l’utilisent afin d’influer sur les décisions d’autres pays. Par certains aspects, elle peut être associée à de la propagande.

Il est aussi rappelé que le danger terroriste existe toujours et que divers facteurs considérés comme terreau de la radicalisation sont également présents.

Tant pour l’extrême droite que pour l’extrême gauche, le gouvernement et le « politique » sont de plus en plus considérés comme des cibles légitimes.

Il n’est donc pas étonnant que l’on observe également des formes de résistance à l’Etat, mouvements plus affirmés auprès de certains groupes anarchistes.





Les risques et les menaces pour la sécurité

Si les missions de base de la VSSE concernent le contre-espionnage et le contre-terrorisme, d’autres phénomènes suscitent tout son intérêt.



Extrémisme

Ainsi, la Belgique est confrontée à l’extrémisme dont les menaces sont protéiformes. Il peut trouver son origine dans la diffusion d’opinions dangereuses pour la société et conduire à la violence ou au terrorisme en attentant à des personnes et/ ou des intérêts matériels pour des raisons idéologiques ou politiques.

En matière d’extrémisme religieux, la Belgique doit notamment faire face à différents degrés au salafisme et aux activités des frères musulmans.

A propos du salafisme, il est diffusé par plusieurs canaux, comme des centres religieux et les médias sociaux mais aussi par des établissements d’’enseignement au Moyen-Orient qui attirent également des Belges. Ces derniers occupent parfois des positions importantes au sein de la communauté locale.

Par certains aspects, notamment le refus du droit belge, le salafisme peut constituer une menace.

Si les frères musulmans sont peu nombreux dans notre pays, ils y sont néanmoins actifs (enseignements, asbl, etc.). Certes, ils présentent une image modérée et respectent les lois mais leur volonté non avouée d’instaurer à terme la charia est incompatible avec nos valeurs et notre mode de vie démocratique.  

Sur notre territoire, sont implantés deux institutions : « La Ligue des Musulmans de Belgique » et le siège du Council of European Muslims, une organisation faîtière européenne qui défend les intérêts des Frères musulmans auprès des institutions européennes.

On observe aussi une certaine ingérence étrangère dans l’islam belge, ce qui peut avoir des effets sur la sécurité nationale.

Le rapport de la VSSE évoque aussi la présence en Belgique d’un « extrémisme exogène » dont les cibles et objectifs principaux se trouvent dans leur pays d’origine. Notre pays sert alors de base d’opération.

En particulier, la VSSE cite le PKK qui utilise notre territoire pour des manifestations ou des actions de solidarité, pour recruter de nouveaux partisans, pour soutenir l’organisation et pour servir de base de repli pour les militants blessés.

En ce qui concerne l’extrémisme idéologique, l’extrême gauche violente – ou ultragauche - est surtout concentrée à Bruxelles. Elle comprend des groupes (communistes révolutionnaires, éco-activisme, etc.) qui usent de la violence pour renverser l’ordre démocratique et constitutionnel, jugé autoritaire (voire fasciste), raciste, sexiste, capitaliste et impérialiste.

Si l’extrémisme de droite ne constitue pas une menace aussi sérieuse que celle du terrorisme islamiste, il est notamment constitué de néonazis et de skinheads. Ils considèrent que pour parvenir à leurs fins, la violence est légitime et qu’il est pertinent de s’entraîner au maniement d’armes et d’explosifs.

Ils sont animés par un militantisme anti-asile, anti-islam et ils reprochent au gouvernement sa passivité face au « Grand remplacement », soit une islamisation de notre société.



La prolifération

Peu évoquée, la prolifération des armes de destruction massive (ADM) - armes nucléaires, radiologiques, chimiques et biologiques - représente pourtant une menace majeure. A cet égard la Belgique constitue une cible dans la mesure où elle recèle des technologies de pointe.

Afin de déjouer les tentatives problématiques d’acquisition de connaissances, la VSSE effectue certains contrôles, notamment à propos des biens dits à double usage (usage légal et usage ADM), et elle réalise un travail préventif, notamment par la sensibilisation au sein des entreprises et institutions académiques. A noter que les transactions suspectes s’observent aussi dans des flux commerciaux légitimes.  

 

Terrorisme

La Belgique représente une terre d’accueil pour la diaspora nord-caucasienne, majoritairement des Tchétchènes. Ils représentent plus de 10% des combattants partis de notre pays combattre en Syrie. Quelques-uns y sont toujours actifs et d’autres, revenus en Belgique, font l’objet de poursuites judiciaires.

Des actes terroristes en Europe sont possibles (ex : assassinat de Samuel Paty en France) tant de la part de cette communauté que de la part du régime Tchétchène actuel qui veut la réprimer. 

Enfin, le terrorisme djihadiste constitue toujours une menace qui est néanmoins plus diffuse, mais le terreau du radicalisme continue d’exister.

Près de 130 membres d’organisations terroristes (returnees) sont revenus de territoires de combats mais seule une minorité est réapparue dans des dossiers de radicalisme ou de terrorisme.

Plusieurs « returnees » ont fait l’objet d’une condamnation à des peines de prison, ce qui suscite au moins deux points d’attention. Dans quelle mesure influencent-ils d’autres détenus ? De quel suivi peuvent-ils faire l’objet lors de leur libération ?

La menace du terrorisme djihadiste vient aussi de la pérennité de la propagande, notamment via les réseaux sociaux, et de son effet sur la radicalisation. Notons que certains demandeurs d’asile provenant d’Irak ou de Syrie ont commis des actes répréhensibles au nom d’organisations terroristes dans leur pays d’origine.

 

Claude BOTTAMEDI

Chef de corps d’une zone de police er

 

Pour en savoir plus :

Rapport annuel 2020. Sûreté de l’Etat, https://www.vsse.be/fr/rapport-annuel-2020

Le salafisme en Belgique. Mécanismes et réalités. Rapport de la Sûreté de l’Etat, 2017, sur :

https://justice.belgium.be/sites/default/files/2018-01_brochure_salafis…

 

© SECUNEWS

Étiquettes