Adolescence : prévenir le passage à l’acte suicidaire

Depuis la pandémie de covid-19, les troubles psychologiques sont en augmentation, particulièrement chez les plus jeunes. En parallèle, un constat inquiétant : le suicide devient la seconde cause de mortalité chez les adolescents en Europe. Comment identifier les signaux d’alerte et agir.

 

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Une santé mentale qui décline

En France, les chiffres de santé publique indiquent une augmentation des épisodes dépressifs de 43% chez les 12-17 ans avec une progression de 31% pour les idées suicidaires. Depuis un an, les passages aux urgences pédopsychiatriques ont augmenté de 80% avec plus de 79% d’hospitalisation.

En Europe, plus de 9 millions d’adolescents présentent des troubles de santé mentale. 20% des garçons et 16% des filles entre 15 et 19 ans souffrent de troubles psychologiques, principalement liés à la sphère anxio-dépressive et de troubles alimentaires. La pandémie de Covid-19 est venue aggraver une situation qui était déjà préoccupante.

Autre fait alarmant : un rapport de l’Unicef relatif à la santé mentale des adolescents classe le suicide comme la seconde cause de mortalité chez les jeunes en Europe après les accidents de la route. Les garçons entre 10 et 19 ans sont deux fois plus concernés que les filles. Chaque jour, 3 adolescents passent à l’acte en Europe.





Le covid-19 : un facteur aggravant

La pandémie a plongé les jeunes dans de nombreux tourments alors qu’ils sont en pleine construction identitaire : l’incertitude face à l’avenir, l’angoisse de la maladie, la perte de repères, la culpabilisation et la stigmatisation d’être des vecteurs de contamination. Les différents confinements et la distanciation physique ont fragilisé les liens sociaux. La perte des activités sportives et de loisir, des cours en présentiel, des regroupements alors que l’esprit jeune est grégaire par nature.

Malgré un surinvestissement d’espaces transitionnels alternatifs à travers les réseaux sociaux et internet, les moments d’échappatoire, en dehors du domicile, où ils sont, un temps, soustraits au regard de l’adulte, se font rares. Sur le plan physiologique, la surconsommation des écrans peut également avoir une incidence sur leur santé psychique en raison de l’impact sur le sommeil.

 

Motivations du passage à l’acte suicidaire

Les raisons qui poussent à un acte suicidaire sont toujours complexes à identifier et multifactorielles. Une accumulation d’évènements de vie difficiles et traumatiques (un divorce parental, du harcèlement scolaire, un deuil douloureux) peut venir impacter la scolarité d’un jeune, avec pour effet une dévalorisation de l’estime de soi. Dans ce contexte précaire, une dispute avec une personne chère, qui représente un pilier pour le jeune, tel qu’un ami proche, peut venir tout précipiter.

Le jeune est envahi par le sentiment que plus rien n’est stable et qu’il se trouve seul face à une montagne infranchissable. A bout de ressources, il peut percevoir le suicide comme la solution à ses maux, un ultime soulagement.

Le passage à l’acte suicidaire chez un adolescent est plus impulsif que chez l’adulte. Il est dès lors primordial de garder le contact avec lui. La présence de l’entourage, d’ un psychologue, ou la possibilité de joindre un intervenant psychosocial via une ligne d’écoute téléphonique, ou un chat internet, peuvent faire la différence au moment où le jeune peut basculer. En effet,  pour la majorité des jeunes, l’objectif n’est pas de mourir, mais de soulager une souffrance devenue insupportable.





Les signes d’alerte

Les changements de comportements chez les jeunes ne doivent pas être banalisés trop rapidement.

  • Le repli sur soi : l’ado aime s’isoler, mais si ce besoin d’être seul, prend une place plus importante que d’habitude, il est important d’en parler avec lui.
  • L’abandon des activités aimées par le passé.
  • La perte d’appétit ou une consommation excessive de nourriture
  • Les troubles du sommeil
  • Une irritabilité plus importante
  • Montrer de la tristesse
  • Exprimer un sentiment d’impuissance et de fatalité : « la vie ne sert à rien et ne vaut pas la peine d’être vécue »
  • S’engager dans des activités à risque (conduites dangereuses sur la route, sexualité, consommation d’alcool ou de drogues)
  • Verbaliser l’envie de suicide.

     



Communiquer avec le jeune

Dans un premier temps, il est primordial de ne pas se sentir mal à l’aise et de communiquer au jeune son inquiétude. Le maître mot : parler à la première personne : je suis inquiète car je ressens de la tristesse chez toi et j’ai le sentiment que certaines choses ne parviennent plus à te rendre heureux. Cela permet de ne pas rajouter un poids à la situation. Eviter le tu m’inquiètes car tu ne manges plus pour ne pas le culpabiliser.

Il est important de ne pas utiliser les injonctions du type : reprends-toi ; secoue-toi un peu ; quand on veut, on peut ; etc. L’humeur est impactée à un point où les ressources ne sont plus disponibles pour pouvoir « simplement » faire les choses qui peuvent leur faire du bien.

Enfin, il est essentiel de ne pas brimer le jeune s’il menace de se suicider : tu n’auras jamais le courage de te suicider ; Tu dis cela pour faire l’intéressant.

Pour beaucoup, ouvrir un espace de parole pourra déjà aider à soulager le poids de la situation et à exprimer les émotions négatives propices à la réflexion et la recherche d’autres moyens pour affronter ses difficultés.

Si le dialogue est difficile ou si le lien est conflictuel, il faut mandater une personne de confiance pour avoir cette conversation avec le jeune. Que ce soit des membres de la famille ou des personnes référentes pour le jeune (un enseignant, un coach sportif), l’essentiel est qu’il puisse se sentir écouté avec bienveillance et sans jugement.

Dans un second temps, il peut être convenu avec lui d’avoir recours à des professionnels (psychologue, médecin de famille, pédopsychiatre ou une ligne d’écoute) si la situation ne semble pas s’améliorer et si le jeune semble toujours confronté à une détresse importante. En ultime recours, un service d’urgence peut être sollicité.

 

Mélanie SAEREMANS

Psychologue – Psychothérapeute



Numéros et ressources utiles :

SOS suicide 0800 32 123

https://www.preventionsuicide.be/

Télé-accueil 107

https://tele-accueil.be

Urgences 112



Références :

https://theconversation.com/suicide-des-adolescents-comment-prevenir-le-passage-a-lacte-162064

https://www.lalibre.be/debats/opinions/2021/10/10/quand-la-sante-mentale-des-enfants-deurope-bascule-NKZIWNE76RBU5AGELSHFNXORRM/

 

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